[ #HistoiresExpatriées ] ↗️ En haut…

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(édition n°2701/2020)
(avec pour marraine Lucie, expatriée en Italie)

Thème proposé :

EN HAUT

 
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Nouvelle année et nouvelle ligne éditoriale pour les #HistoiresExpatriées !
Après s’être essentiellement focalisé sur le vécu personnel, le rendez-vous s’oriente désormais vers des thèmes plus ouverts axés sur le pays d’accueil vu sous un angle plus général. L’objectif reste de le raconter mais en le faisant découvrir d’une manière singulière, par le prisme des yeux de l’expatrié(e) y vivant ou y ayant vécu.
 
 
 
Le premier thème « EN HAUT » a été un challenge pour moi… Pourquoi ? Parce que je l’ai d’abord pris au pied de la lettre, dans le sens basique de la topographie. Et alors, où est le problème ? Eh bien à priori, parler de hauteurs au Sénégal ça ressemble à un oxymore. Cette carte permet de mieux comprendre la contradiction : (rassure-toi cher lecteur fidèle, je ne vais pas recommencer à t’inonder de cartes comme lors de ma précédente participation aux #HistoiresExpatriées… mais il y en aura quelques-unes quand même ! ?)
 
 
Ça saute aux yeux non ? Plus la couleur devient marron et blanche, plus le relief existe et s’élève en altitude. Comme l’on peut le constater sur cette carte, il n’y a (presque) que du vert.
Bref, c’est une évidence, au Sénégal, les hauteurs ne courent pas la brousse !
Le pays de la Teranga est d’une platitude presque soporifique, et pour cause : il est essentiellement composé de plaines.
Sur les régions côtières, à part les deux collines des Mamelles (culminant à une centaine de mètres) sur la presqu’île du Cap Vert, ainsi que les îles rocheuses escarpées de Gorée et de La Madeleine (vestiges volcaniques très anciens) situées au large de Dakar, le relief ressemble à un électrocardiogramme plat.
Petite parenthèse à propos des Mamelles. Son nom provient d’une légende africaine qui raconte que ces deux collines sont ce qui reste d’une certaine Khary-Khougué, une sénégalaise doublement bossue, co-épouse acariâtre, jalouse et envieuse. Ne supportant plus sa vie et les moqueries incessantes sur ses bosses, elle décida de “se cadavérer”(=suicider) en se jetant dans les flots. Mais l’océan, refusant de l’engloutir entièrement, laissa dépasser ses deux bosses qui devinrent les deux collines des Mamelles.
Dans le reste du territoire, ce n’est guère plus vertigineux.
 
Du côté de la ville de Thiès, il existe une zone (la petite tâche jaune à côté du 0 à gauche sur la carte) constituant un plateau culminant à environ 140 mètres. On y trouve la forêt classée de Pout, avec le Mont-Rolland tout au Nord, et la Réserve de Bandia au Sud.
 
Au Nord-Est du pays, le long de la vallée du fleuve Sénégal, de basses collines forment le Fouta-Toro.
 
Au Nord-Ouest, au bord de l’Océan Atlantique, il existe un véritable petit désert de sable fin ocre avec de grandes dunes. Les plus courageux peuvent monter tout en haut de l’une d’elles et en redescendre comme sur un toboggan. Ce lieu plutôt insolite (et uniquement touristique… On y campe en passant juste une nuit généralement) s’appelle Lompoul.
 
 
 
Ce n’est qu’au Sénégal Oriental, tout au Sud-Est du pays, que les paysages prennent un peu de hauteur grâce aux reliefs des contreforts du Fouta Djalon, magnifique massif guinéen surnommé le château d’eau d’Afrique de l’Ouest car de grands fleuves y prennent leur source.
Cette région “montagneuse” compte le point le plus élevé du Sénégal, culminant à environ 530m : les falaises de Népen, à la frontière avec la Guinée. (Je n’y suis pas (encore) allée.)
Dans cette région se trouve aussi le Mont Assirik, plus haute colline (≈ 310m) du Parc National du Niokolo Koba, ou encore, en contrebas de plateaux (entre 400 et 500m) et de falaises, la chute de Dindéfélo (≈ 110m) et celle, moins connue, de Ségou. D’autres chutes se situent à l’extrême Sud-Est, notamment du côté des Monts Bassan, dans un coin encore plus reculé et difficile d’accès que je ne connais pas mais où j’espère bien pouvoir aller un jour : Kafory et Lombel.
 
 
 
Bref, même si, au premier abord, parler de hauteurs au Sénégal ne m’a pas semblé d’une pertinence redoutable, j’ai relevé le défi ✌️! Parce qu’au sens propre comme au sens figuré, en y regardant de plus près, j’ai tout-de-même matière à raconter.
 
 
 

 SAINTE TOUR… 

 
J’aurais bien aimé raconter une ascension jusqu’au sommet du plus haut des sept minarets de la grande mosquée ? de Touba, la ville Sainte de la confrérie religieuse des Mourides. Ce minaret culmine à presque 87 mètres de hauteur, ce qui en fait le plus haut de l’Afrique de l’Ouest et qui le place dans le “TOP 10” des plus hauts minarets du monde.
Sauf qu’il y a juste un petit souci : je n’y suis jamais montée puisque c’était interdit…
 
En revanche, j’ai eu l’opportunité d’aller à Touba pour y découvrir cette spectaculaire et gigantesque mosquée, à une époque (lointaine) où il était autorisé (et plus simple aussi) d’en visiter davantage qu’actuellement.
A défaut de pouvoir te montrer la vue panoramique depuis là-haut, je te propose mon récit (saupoudré d’anecdotes) sur cet endroit unique en son genre, illustré de photos (dont certaines très vintages) témoignant de l’évolution architecturale perpétuelle de ce majestueux édifice : c’est par là !
 
 
 

 L’IVRESSE DES HAUTEURS… 

 
Quel est le rapport entre la fabrication du vin de palme en Casamance, la région la plus tropicale au Sud-Ouest du Sénégal, et le thème « En haut » ?
Et bien la récolte de la sève à la base de ce breuvage alcoolisé se fait tout en haut, à la cime des palmiers rôniers.
Bon, là encore j’ai un petit souci : je n’ai pas de quoi écrire tout un article sur le sujet. Mais je peux au moins t’expliquer succinctement et te montrer rapidement en quoi ça consiste, c’est déjà ça. (et en plus, tu mourras moins bête en te couchant ce soir #MinuteCultureGénérale ?)
 
Lors de la saison de la récolte, chaque jour les hommes grimpent tout en haut des arbres, à mains et pieds nus. L’air de rien, c’est un tour de force. Une fois perchés, ils “s’attèlent” à la cime avec une corde de fortune sanglée à la taille la plupart du temps. Puis ils font des trous/entailles à la base de branches-feuilles avant d’y accrocher en-dessous une bouteille vide, parfois surmontée d’un entonnoir bricolé. Je n’ai jamais vraiment compris comment ça pouvait tenir mais toujours est-il que la sève va s’y écouler lentement. Le lendemain, ils remontent aux palmiers pour récupérer les bouteilles pleines et les remplacer par des vides. Et ainsi de suite. Le précieux nectar, d’apparence laiteuse, devient alcoolisé par un processus de fermentation naturelle.
Le breuvage (que je trouve infâme pour ma part. Les goûts et les couleurs…) est très(trop) apprécié des locaux qui en boivent jusqu’à devenir complètement soûl plus soif.
 
 
Sur cette courte vidéo (que j’ai dénichée sur youtube), on peut y voir l’étape de la pose des bouteilles.
 
 
 
 
 

 LA TERRE VUE DU CIEL … 

 
Parmi les rares choses qui me font rêver dans la vie, il y a “admirer la Terre depuis le ciel(tel Philéas Fogg dans sa montgolfière). Je trouve les paysages vus d’en-haut tellement grandioses…
 
Malgré ma peur du vide et mon vertige, j’ai eu la chance de pouvoir réaliser ce rêve à quelques occasions, comme par exemple au-dessus des spectaculaires chutes d’Iguazu à cheval entre le Brésil et l’Argentine (cadeau d’anniversaire mémorable), ou lors de mon baptême de parapente sur l’île de la Réunion (où j’ai réussi l’exploit de nourrir, en plein vol, les tortues marines… ?✌️), ou encore lors du survol des mystérieuses lignes de Nazca au Pérou (dans un riquiqui-avion-coucou-qui-secoue-beaucoup…).
 
Certaines régions du Sénégal vues du ciel sont magnifiques, comme ici ↓ la mangrove et les méandres des bolongs en Casamance :
 
 
Malheureusement, à part à travers le hublot d’un avion, je n’ai pas eu l’opportunité de voir grand-chose de la teranga depuis les airs.
Alors pour remédier à ça, l‘année dernière Philéas m’avait réservé une nouvelle surprise aérienne : une virée en autogire (=ULM) dans la région du Siné Saloum, pour aller admirer les puits de sel de Palmarin. Une explosion de couleurs en perspective ?? !
 
 
Le destin en a décidé autrement puisque ce voyage a dû être annulé en catastrophe quelques jours avant le départ. Mais ce n’est que partie remise (j’espère…) car la prochaine fois que je retourne au Sénégal à la saison favorable (ces puits ne sont pas comme sur ces photos toute l’année), je surmonterai une nouvelle fois ma peur et j’irai planer au-dessus de cette palette de peintre !
 
 
 

 RENCONTRE AU SOMMET… 

 
Comme je trouvais que mes histoires de mamelles, de dunes, de minarets, de palmiers-rôniers et de vues aériennes n’honoraient pas pleinement le thème du mois, j’ai finalement décidé de revenir à ma première interprétation : “En haut” au sens de la topographie.
 
Partons donc au Sénégal Oriental, au Sud-Est du pays, le seul endroit où il y a vraiment du relief comme je l’expliquais plus haut. Avec la Casamance, c’est mon coin préféré au pays de la Teranga.
 
Là-bas, c’est la région où vivent des minorités ethniques, la plus connue étant celle des Bassaris.
Pour être plus en phase avec le thème du mois, je vais plutôt évoquer une autre ethnie, encore plus minoritaire (population estimée à quelques milliers d’individus), car celle-ci a la particularité de vivre en haut de collines. Il s’agit des Bédiks.
 
 

Par la force des choses, et malgré la pression de la modernité, le peuple Bédik a su farouchement protéger et préserver sa culture, ses rites et coutumes, sa langue et son mode de vie sommaire très rustique.

 

Les Bédiks sont appelés « le peuple des pierres ».
C’est aux sommets des massifs formés de dolérites que leurs ancêtres se sont réfugiés par le passé. Parmi les éboulis rocheux de cette forme de basalte, ils y ont construit leurs villages.

 
Cette roche fait partie de leur identité. D’ailleurs dans leur dialecte, le mot signifiant « dolérite »  se traduit par « la pierre Bédik ». 
Autrefois, elle a constitué une protection naturelle efficace contre les oppresseurs. Car jadis, les Bédiks ont été un peuple oppressé. Leur histoire particulière a été tourmentée au fil des siècles.

A l’origine, les Bédiks sont des Maliens (de l’ancien Empire Mandingue) qui se sont enfuis de leur terre natale à partir du 12ème siècle pour échapper à l’esclavage auquel ils étaient réduits. Pourchassés, ils ont alors d’abord trouvé refuge dans des grottes.

Puis, vers la fin du 13ème siècle, ils se sont installés sur les hauteurs des montagnes de dolérites sénégalaises pour mieux pouvoir se défendre.

Plusieurs siècles plus tard, à la fin du 19ème, le roi Peul Alpha Yaya est venu depuis la Guinée voisine pour convertir les peuples à l’islam. Les Bédiks ont refusé de se soumettre et une terrible guerre tribale a alors éclaté.

Voici retranscrite l’histoire de cette sombre période racontée par Jean-Baptiste KEITA, le représentant du Chef du village de IWOL, la capitale du peuple Bédik :
« Les rescapés se cachèrent dans les cavernes d’où ils ne pouvaient sortir que la nuit pour puiser l’eau et piler les céréales en les frottant avec des pierres, de peur d’attirer les ennemis avec le bruit des pilons.
Vu la gravité de la guerre, les hommes offrirent au génie du village dix-huit de leurs jeunes pour qu’il leur insuffle le pouvoir de mettre fin à la guerre.
Grâce à cette intervention, les Bédiks furent sauvés.
Mais un jour, Alpha Yaya revint dans le but de les soumettre. Malheureusement pour lui, il se rendit compte que les Bédiks étaient protégés par le pouvoir du génie. C’était une grande chance pour les habitants du village, mais ce n’était pas la seule, car des essaims d’abeilles combattaient aussi en leur faveur. Si une abeille piquait un soldat d’Alpha Yaya, celui-ci mourrait sur-le-champ.
C’est ainsi que les Bédiks connurent la paix.

Malgré les piqûres d’abeille, Alpha Yaya fut le seul à retourner dans son village natal en Guinée, où il y mourut quelques jours plus tard. »

 
Petite parenthèse à propos des abeilles sentinelles. Elles ne sont pas complètement une légende… En réalité, elles ressemblent plus à d’énormes guêpes qu’à de gentilles abeilles. Elles sont extrêmement territoriales et très agressives. Il n’est pas rare que les personnes étrangères aux villages (c’est assez irrationnel comme phénomène, ce serait une histoire de reconnaissance olfactive) font les frais de leur redoutable dard. Je pense notamment à un ami (devenu allergique aux piqures de guêpes) piqué à de multiples reprises à la tête (qui avait énormément enflé, on a bien cru qu’il n’y survivrait pas). Je pense à moi aussi, dans une moindre mesure, lorsque je me suis fait attaquer et piquer au visage (la douleur fut très très vive) lors de mon voyage d’exploration dans le Fouta Djalon, en Guinée voisine, où les guêpes sont de la même espèce…
 
 
Les Bédiks ont été décimés pendant cette guerre, néanmoins les survivants ne se sont pas convertis de force à l’islam.
En revanche, plus d’un demi-siècle plus tard, à partir de 1953 et la venue de missionnaires français, la plupart d’entre eux ont adopté une forme de christianisme.

Il n’en reste pas moins que les Bédiks sont animistes avant tout. Ils croient en l’existence des génies, des esprits et des choses surnaturelles qu’ils représentent notamment par le biais des “Masques”.
Ils ont réussi à faire perdurer leurs traditions séculaires au travers des différents rites et cérémonies célébrés annuellement. Il y a ainsi sept grandes fêtes rituelles qui rythment la vie de chacun d’entre eux.
 
 
 
Leur culture se caractérise également par leur symbiose avec la nature.
 
Du point de vue de l’organisation de leur communauté, leur mode de vie impose le strict respect d’un système de classe d’âges (la haute considération des anciens est telle que ça frise la vénération), et la répartition par famille de fonctions sociales et rituelles bien déterminées.
 
 
 
De ce peuple mystérieux, j’en connais sa singulière “capitale”, IWOL, qui fait partie de la poignée de villages Bédiks existant encore de nos jours. C’est d’ailleurs le plus ancien d’entre eux.
 
Iwol est niché à plus de 480m en haut d’une colline, et compte environ 600 habitants.
 
Selon notre conception occidentale, Iwol n’a de “capitale” que le nom. Il n’y a aucune route carrossable pour s’y rendre, on y monte à pied ; une fois sur place aucun carrefour, pas de rues ni trottoirs. En guise de bâtiments et de maisons, des cases rudimentaires au toit de bambou et de chaume, dont le mur circulaire est construit avec de la terre argileuse mélangée à de l’eau. Il n’y a ni électricité ni eau courante, d’ailleurs il n’y avait pas d’eau du tout au village jusqu’au 3 juin 2014 (date à laquelle l’eau a enfin jailli du forage que notre association humanitaire a fait creuser là-bas. J’en parle plus loin.).
 
Néanmoins, c’est un endroit paisible et dépaysant, où l’on se sent littéralement hors du temps et coupé du monde.
 
 
 
Même l’église, où les messes sont célébrées en langue bédik, est pour le moins dépaysante… Difficile de faire plus minimaliste. On est très loin de la débauche de décorations kitchs et bling-bling des églises occidentales !
 
 
 
Le point de vue panoramique sur la nature environnante, sauvage et préservée, est magnifique.
 
On peut aussi admirer de très vieux arbres incroyables, et notamment le plus gros baobab de la région avec son tronc de plus de 23 mètres de circonférence. Ce colosse imposant et majestueux serait là depuis plus de 600 ans…
le vieux baobab sacré est encore vert pour son âge…

 

Conformément à leurs traditions, les Bédiks d’Iwol pratiquent l’habitat groupé et se répartissent ainsi en quatre grandes familles. Chacune est responsable d’une fonction sociale et communautaire immuable bien déterminée.
 
Les membres des familles KEITA gouvernent le village. Jean-Baptiste KEITA, qui racontait l’histoire de la guerre tribale contre Alpha Yaya, fait partie de cette lignée. Comme je le disais, il est le représentant du chef du village. Mais il est aussi très polyvalent et multitâche puisqu’il fait également office d’instituteur, de soigneur, de prêtre, d’interprète et de guide touristique !
 
Les SADIAKHOU ont pour mission de s’assurer du respect et du maintien des rites et coutumes ancestrales.
 
Enfin les CAMARA et les SAMOURA sont en charge de l’organisation des fêtes traditionnelles Bédiks tout au long de l’année.

Pour celles et ceux qui aimeraient grimper en haut de l’arbre généalogique de certains membres de ces familles, voici la retranscription que j’avais faite de trois reconstitutions familiales.

Dernière caractéristique liée au “découpage familial”.
Iwol est donc construit sur les pentes du sommet d’une colline. Plus une famille habite sur les hauteurs et plus ses membres se situent en haut de “l’échelle sociale” Bédik. La notion de caste n’existe pas à proprement parler ; ceci dit, chacun semble se tenir à son rang et respecter les protocoles…
 
 
Les habitants d’Iwol vivent d’un peu d’élevage, de la cueillette et de l’agriculture.
Lorsque l’on voit les lopins de terre cultivés sur les flancs rocailleux de la montagne, on se demande par quel miracle ils ont réussi à rendre arable cette terre accrochée à un relief aussi abrupt…
Et pourtant, ils y parviennent !
Ils cultivent essentiellement l’arachide, le fonio (une céréale sans gluten ressemblant à la graine de couscous), le mil et le coton. Les plantations se font toujours du bas de la colline vers le haut.
En revanche, il leur est impossible de produire du riz, le lieu ne s’y prêtant absolument pas. Le riz doit donc être acheté dans la plaine, et les sacs de 50 kilos sont acheminés là-haut à pied et à dos d’hommes bien évidemment…
 
Certaines femmes réalisent aussi de petits produits artisanaux destinés à être vendus aux très rares touristes de passage. 
 
Mais les femmes sont surtout celles qui endossent une corvée quotidienne harassante : aller chercher l’eau pour boire, pour la cuisine et un minimum d’hygiène. Des litres d’eau (pas toujours potable) transportés dans des bassines ou des bidons posés sur le crâne…
 
Avant la création du forage, les femmes et les fillettes (initiées dès leur plus jeune âge au port de lourdes charges posées en équilibre sur leur tête) devaient descendre vers la vallée pour atteindre un puits situé à environ deux kilomètres du village. Une fois leurs grandes bassines d’une vingtaine de litres remplies, elles devaient remonter à pied au village, en haut de la colline, avec leur pesante cargaison sur la tête… Un calvaire qui se renouvelait plusieurs fois par jour…
Durant la saison des pluies, elles trouvaient des résurgences d’eau moins loin, ailleurs sur la colline. Il leur fallait alors aller la recueillir contre des rochers à l’aide de calebasses, avant de retourner au village.
 
Et puis un beau jour de l’année 2013, il y a eu une rencontre impromptue au sommet ! Philéas avait alors embarqué avec lui quatre amis pour leur faire découvrir le Sénégal oriental. Ils s’étaient retrouvés un peu par hasard à Iwol. Là-haut, l’un des cinq baroudeurs avait malencontreusement renversé l’une des bassines d’eau vaillamment transportée par les femmes. Ce fut un déclic : c’est là qu’ils se sont dit qu’ils devaient faire quelque chose pour que ce village sans eau, sans électricité, sans route d’accès, puisse avoir sur place un forage à disposition de ses habitants.
À leur retour en France, j’ai pris part au projet et nous avons créé une association humanitaire. Sans aucune aide extérieure, nous avons organisé des collectes caritatives de fonds et avons réussi à financer et réaliser ce projet. Cette incroyable aventure humaine peut être résumée en cinq photos commentées :
Il était une fois un petit village Bédik, sans eau ni électricité, perché tout en haut d’une colline et accessible uniquement à pied. Les femmes et les filles portaient sur leur tête les lourdes bassines d’eau puisée à presque 2 kms en bas dans la vallée…
Comme l’eau c’est la vie, un jour un petit groupe d’amis décida de réaliser une action humanitaire : creuser un forage au village. Mais pour ça, il fallut d’abord faire tracer une piste d’accès de 3 kms juste pour pouvoir tracter le camion-foreuse de 30 tonnes jusqu’en haut… Devant l’ampleur de la tâche paraissant techniquement impossible, tout le monde les prit pour des illuminés inconscients…
Évidemment, tout ne se déroula pas comme prévu… Avant de pouvoir forer, il fallut 7 JOURS (au lieu d’une seule journée normalement) simplement pour tracter le camion-foreuse avec un bulldozer jusqu’au village ! Ce fut réellement une histoire de fous. Un véritable exploit (semé d’embûches) raconté sur le site de l’association ici
Quelques jours de galères plus tard, la foreuse put entrer en action. Et après pannes et autres impondérables, l’eau finit enfin par jaillir : leur pari insensé avait réussi ! Ils firent aménager le forage et poser une pompe. Depuis ce jour-là, les femmes n’ont plus à parcourir des kilomètres sous un soleil de plomb pour aller chercher de l’eau. Et désormais, les filles ont le temps d’aller à l’école…
L’année suivante, à la demande des villageois, ils leur firent construire une école “en dur” tout en haut d’Iwol. Lors de l’inauguration officielle (à voir ici), certains “Masques” étaient là… Cette rencontre au sommet fut une aventure humaine extraordinaire !
 
 
 

 ASCENSION ÉPIQUE SOUS L’ŒIL BIENVEILLANT DE L’ESPRIT DES PIERRES… 

 
Fin 2014, je suis montée en haut de la colline pour aller rencontrer, à mon tour, les Bédiks d’Iwol.
J’étais accompagnée de Philéas et de nos deux enfants. Nous y avons passé le réveillon du jour de l’An le plus singulier, incroyable et extraordinaire de notre vie. Il restera d’ailleurs inégalé et inégalable encore longtemps à mon avis ! Ce moment exceptionnel sera gravé à jamais…
 
Avant de vivre cette soirée unique, il nous a d’abord fallu grimper jusqu’au village… Là encore, tout ne s’est pas vraiment passé comme je me l’imaginais (forcément… Sinon ce ne serait pas drôle !). Notre ascension, sous l’œil bienveillant de l’Esprit des Pierres, fut pour le moins épique. Alors si tu as encore envie d’aventures africaines, je t’invite à lire mon récit de cette montée jusqu’en haut.
 
 
 
 
 
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édition n°26 : Suis-je une expat’ ?
édition n°25 : Les relations amoureuses.(je n’ai pas participé à ce numéro)

édition n°24 : Idées reçues…
édition n°23 : Ces choses qui m’agacent dans mon pays d’accueil…(je n’ai pas participé à ce numéro)

édition n°22 : La distance…
édition n°20 : La Nature…
édition n°18 : Leurs coutumes/habitudes devenues miennes.(je n’ai pas participé à ce numéro)
édition n°17 : Qu’est-ce qu’on écoute au Sénégal ?
édition n°16 : Un mot, une expression…
édition n°15 : La cuisine…
édition n°14 : Mon intégration…
édition n°13 : Le système médical…
édition n°12 : Les rapports humains…
édition n°10 : Le corps ailleurs…
édition n°7 : Votre coin de France.(je n’ai pas participé à ce numéro)
édition n°5 : Mon ailleurs la nuit…
édition n°4 : Ma nouvelle routine…
édition n°3 : Pourquoi es-tu partie ?
 

D’autres participations abordant ce thème sont listées en fin d’article ici.

 
 
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10 Comments on “[ #HistoiresExpatriées ] ↗️ En haut…

  1. Je n’avais pas encore pris le temps de lire intégralement cet article. Merci, Angélique, d’avoir su prendre de la hauteur dans ce “plat pays”. Bel effort d’imagination et de description pour ces élévations.

  2. Merci pour cet article vraiment varié et passionnant ! Bravo aussi pour l’engagement humanitaire pour les femmes et les filles du village et aussi pour l’école. J’ai beaucoup appris sur un pays que je connais mal.

  3. Ah, nous y voici donc tout en haut du Fouta Djalon 😉
    À nouveau un régal toutes ces anecdotes truculentes 🙂

    • C’est chouette si tu t’es régalé avec ce récit, ça me fait plaisir. Et ça permet de te montrer à quoi ça peut ressembler tout là-bas là-haut !

      Oui, le Sénégal Oriental c’est le tout début du Fouta Djalon, les prémices du relief de ces montagnes et plateaux qui sont plus hauts une fois en Guinée (entre 800 et 1200m d’altitude là où je suis allée).
      Je suis loin d’avoir fini d’écrire sur notre exploration dans le Fouta en Guinée de l’été dernier. Ce n’est pas l’envie qui manque mais le temps. J’espère que j’y arriverai… un jour !

  4. Génial ton article ! J’ai appris plein de choses notamment le vin de palme, impressionnant de voir comment ils le récoltent !
    Tes photos sont très belles et c’était vraiment intéressant de me plonger dans cette lecture sur un pays que je ne connais pas du tout 🙂 Au final, tu avais une multitude de sujet pour le thème “en haut” !
    Amélie

  5. Je me suis régalée à la lecture de ton article, les photos des bediks sont magnifiques ! Ce thème a permis de parler de sujets variés, c’est chouette 🙂

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