[ #HistoiresExpatriées ] Vision de la France et des français au Sénégal…

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(édition n°2107/2019)
(avec pour marraine Eva, expatriée au Japon)

Thème proposé :

VISION DE LA FRANCE ET DES FRANÇAIS DANS LE PAYS D’ADOPTION

 
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Je ne détiens pas de vérité universelle sur le sujet proposé ce mois-ci. N’ayant ni la science infuse ni aucune compétence en sociologie, aborder ce nouveau thème va donc être forcément assez subjectif. Ce que je vais raconter peut paraître “cliché”, j’en ai parfaitement conscience, mais c’est issu de mes propres expériences de vie au Sénégal et ça n’engage donc que moi. Alors mieux vaut prévenir que guérir ! Il faut bien se garder de généraliser et de tirer des conclusions hâtives. #LesClichésAurontToujoursLaVieDure Que les esprits chagrins passent leur chemin, inutile de se lancer dans une analyse de texte car il n’y a rien à lire entre les lignes ni à interpréter de travers…
 
 
 
 
Lors d’une précédente édition des #HistoiresExpatriées, j’avais déjà vaguement évoqué le sujet. Petite piqûre de rappel :

« […]     Mais ce qui a été plutôt inattendu pour moi c’est que les idées préconçues étaient dans les deux camps.
Par exemple un jour, lors d’une discussion à bâtons rompus avec des sénégalais sur nos modes de vie respectifs, j’ai découvert avec stupéfaction la vision qu’ils avaient de nous ! Pour eux, les français n’avaient pas besoin de travailler pour vivre car tout-un chacun disposait d’autant d’argent que nécessaire, un peu comme si chaque personne possédait un arbre produisant des billets à volonté. Ils croyaient en plus que tout le monde vivait dans une immense maison luxueuse avec tout à disposition. Ils pensaient aussi que chaque famille française avait toute une armée de domestiques, portant des gants blancs, pour la servir 24h/24. Bref, en résumé, que la France était un pays bisounours où tout le monde est beau, heureux, gentil, riche, toujours en bonne santé, sans jamais aucun problème ni le moindre souci. Ce jour-là, les bras m’en étaient tombés…   […] »

 
 
 
 

 « Toubab ! Donne-moi de l’argent ! » 

 
« Toubab ! Toubab ! Toubab ! Cadeau ! »
« Toubab ! Donne-moi de l’argent ! »
Voilà ce qu’entend en boucle un français (ou tout autre occidental blanc). Et je dois avouer qu’à la longue, malgré toute la meilleure volonté du monde, c’est usant… (mais bon, le français est un indécrottable râleur jamais content, j’y reviendrai plus loin…)
Qu’on le veuille ou non, que l’on soit touriste ou expatrié, il arrive inévitablement un moment où l’on a la désagréable impression d’être assimilé à un “porte-monnaie ambulant” au Sénégal (comme dans d’autres pays d’Afrique ou d’ailleurs dans le monde). Cette étiquette “tu es blanc donc tu es blindé de pognon” colle à la peau, quoi que l’on fasse.
Les sollicitations (plus ou moins opportunistes) sont permanentes, on devient systématiquement l’ami de toujours (moins de cinq minutes après avoir engagé la conversation), le “frère blanc” parce qu’au Sénégal “niofar(=on est ensemble). Et, comme je l’ai déjà raconté précédemment, en tant que “membre de la famille élargie”,  la tradition, les us et coutumes imposent le devoir d’entraide. C’est comme ça au pays de la teranga (=art de l’hospitalité). Étant donné que le “frère blanc” français a largement les moyens (car bien sûr, il est de notoriété publique que chaque français(e) est né(e) de la cuisse de Jupiter avec une cuillère d’argent dans la bouche… Je serais curieuse de savoir ce qu’en pensent les milliers de gilets jaunes qui manifestent depuis des mois en France…), il doit donc encore plus aider, financièrement parlant. CQFD. Il y a toujours quelque chose à financer : des funérailles ou toutes autres cérémonies et fêtes traditionnelles, des frais de santé et autres consultations chez le marabout-guérisseur, de scolarité, des parrainages plus ou moins obscurs, du “crédit” pour téléphones portables (pas d’abonnements mensuels au Sénégal car pas de comptes bancaires, le système fonctionne par achats en cash de cartes prépayées à recharger), des cigarettes, des trucs “fatigués” à réparer, des déplacements en taxi-brousse, etc. Le phénomène est d’autant plus accentué dans les régions touristiques.
 
Dans l’absolu, il n’est pas complètement farfelu de prétendre que la plupart des français sont des nantis par rapport à l’écrasante majorité des sénégalais.
Sauf que tout est toujours relatif dans la vie…
Expliquer et (tenter de) faire comprendre à un(e) sénégalais(e), (sur)vivant au jour le jour dans des conditions rudimentaires et précaires, que la pauvreté et la misère humaine existent aussi en France, le pays de la solidarité nationale avec son généreux et providentiel système d’aides sociales, c’est un exercice d’équilibriste assez surréaliste… Qui se transforme en dialogue de sourds dès l’instant où il est question de chiffres.
Oui, parce qu’elle est là la “théorie de la relativité”.
Un français dont les revenus ne suffisent pas à joindre les deux bouts en France, vivrait confortablement au Sénégal où ces mêmes revenus représentent là-bas une petite fortune. Il s’agit là de la parfaite illustration de la notion de pouvoir d’achat que j’ai eu l’occasion d’aborder brièvement à l’occasion d’un précédent article (dans le cas de de figure de sénégalais émigrés en France et confrontés à la vision qu’a d’eux leur propre famille restée au pays) :
« […]    Pour donner une idée, à l’époque où je vivais au Sénégal (au milieu des années 90), le SMIC local (théorique… ça ne fonctionne pas du tout comme en France là-bas) représentait à peu près 55 € par mois (pour 40h/semaine) pendant qu’il s’élevait à environ 940 € par mois (pour 40h/semaine) en France. La famille restée au pays ne comprenait pas qu’avec un tel salaire, leurs exilés ne transféraient pas plus d’argent. Ils avaient beau se justifier en expliquant le concept relatif de pouvoir d’achat et en accusant le coût de la vie français exorbitant par rapport au Sénégal, seul le montant du salaire paraissant astronomique était retenu.   […] »
 
Lors de ma parenthèse expatriée, il m’est arrivé d’être interrogée par des sénégalais(es) ne connaissant absolument pas la France, sur le (prétendu) train de vie opulent des français. Leurs yeux et leur bouche s’écarquillaient au fur et à mesure que je leur donnais un exemple sur combien pouvait coûter chaque mois loyer, alimentation, électricité, gaz, eau, assurances, mutuelle, carburants/frais liés aux déplacements, téléphone, habillement, taxes et impôts, etc.
 
Donc oui, TOUT est relatif !
D’ailleurs il y en a qui l’ont bien compris car dès l’heure venue, des troupeaux de baby-boomers fraîchement retraités, dont la pension est insuffisante pour profiter décemment de la vie en France, migrent en masse vers les côtes ensoleillées du Sénégal. Là-bas, à revenu égal, ils peuvent vivre comme des pachas avec du personnel de maison. La vie leur paraît douce. Le calcul est vite fait et ils sont de plus en plus nombreux à sauter le pas.
 
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Emmenez-moi au bout de la terre
Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil
  ??????
 
 
Cette image de “tirelire sur pattes” est entretenue par les comportements des touristes français en vacances au Sénégal. Une fois là-bas, ils sont alors pris d’un besoin irrépressible de donner quelque chose : de l’argent, des stylos, des craies, des cahiers, et/ou des cadeaux, principalement aux enfants qu’ils croisent sur leur chemin lors de balades ou d’excursions.
L’une des pires choses à mes yeux, ce sont les bonbons distribués par poignées ! Maintes fois j’ai été choquée de me retrouver face à des enfants m’assaillant, la main tendue, en me criant la seule chose qu’ils savaient dire en français (ce n’est pas moi qui prétend ça gratuitement, ce sont les sénégalais m’accompagnant qui m’ont dit que ces enfants ne savaient pas parler français.) “Toubab ! Toubab ! Toubab ! Bonbons !”. Si seulement ces touristes savaient les désastres dentaires occasionnés par leurs sucreries… Ils sont persuadés faire le bien mais ils répandent le mal sans s’en rendre compte. Les sénégalais n’ont pas les moyens d’avoir une hygiène dentaire “à l’occidentale” (la méthode locale ? Se gratter les ratiches avec un bout de bois puis recracher la sciure produite par terre) et les dentistes leur sont inaccessibles (hors de prix et quasiment inexistants ailleurs qu’à Dakar). Je vous laisse imaginer les douleurs provoquées par des caries non traitées, puis la boucherie lors de l’arrachage en mode système D sans aucune asepsie
 
Confrontés au mode de vie local paraissant misérable à leurs yeux (on ne peut pas complètement les accabler. Ne sachant pas comment les sénégalais vivent, ils ne peuvent donc que comparer à leur propre mode de vie en France. Encore une histoire de relativité…), les vacanciers français ont pitié et mettent la main au porte-monnaie pour accomplir (ce qu’ils pensent être) une bonne action.  Agissant ainsi, ils s’achètent surtout une bonne conscience en apaisant leur sentiment de culpabilité (mais coupable de quoi en fait ? D’être français ? Personne ne choisit de quel côté de la barrière on naît… On ne peut quand même pas s’excuser de vivre !), alors qu’en réalité ils entretiennent bien malgré eux ce phénomène pervers… Ils sont persuadés qu’ils sont les seuls à vouloir faire preuve de générosité et que ce n’est donc pas leur geste isolé qui va gangréner tout un système, mais ils ont tort car ils ne sont jamais les seuls à donner…
Je ne compte plus le nombre de fois où des sénégalais eux-mêmes m’ont expliqué, désabusés, que c’est un réel problème qui se transforme en fléau dans les zones les plus touristiques. Ils m’ont parlé de leur désarroi et leur impuissance à faire comprendre aux jeunes générations qu’il faut travailler pour gagner l’argent nécessaire pour vivre, alors que ces jeunes constatent qu’ils n’ont qu’à tendre la main aux toubabs pour recevoir plus que nécessaire (et même parfois plus que leurs parents qui travaillent) sans rien faire. C’est un cercle devenu tellement vicieux que de plus en plus de jeunes opposent agressivité et menaces face aux rares toubabs refusant de leur donner quelque chose.
 
Je sais pertinemment que ce sujet est délicat à aborder car systématiquement objet à polémiques avec moult avis divergents et controversés. Il n’existe pas de mode d’emploi standard du bon comportement à adopter. Chacun agit en son âme et conscience, encore faudrait-il justement avoir réellement conscience des conséquences de ses actes, aussi louables soient-ils…
 
 
 
Enfin, pour clore cette première partie, je vais évoquer un dernier aspect lié à l’image du “français = distributeur en chair et en os” qui existe au Sénégal, l’autre côté du miroir, lubrique et parfois carrément pervers
Lorsque j’ai débarqué au Sénégal, j’avais 22 ans et ne connaissais pas grand-chose d’autre que mon cocon familial privilégié. Sans doute étais-je alors un peu trop ingénue. En tout cas, j’étais à des années-lumière d’imaginer l’ampleur du phénomène jusqu’au jour totalement inattendu où je l’ai pris en pleine poire à domicile. Une adolescente était venue sonner à la maison pour proposer à Philéas ses faveurs sexuelles tarifées (avec supplément si je souhaitais participer à la petite sauterie) sans aucune vergogne et aussi naturellement que si elle venait nous vendre un kilo de tomates.
Quelque peu médusée par cet épisode, j’en avais discuté (passablement embarrassée, et en prenant des pincettes) autour de moi, y compris avec quelques sénégalais(es) de mon entourage. J’étais restée abasourdie lorsque l’on m’avait expliqué (très sérieusement) que parvenir à se faire entretenir par un(e) toubab était considéré comme une réussite sociale car gage de ne plus jamais manquer de rien. Le niveau ultime pour les sénégalaises était d’avoir un enfant avec un blanc ; alors là, c’était le jackpot, l’assurance-vie pour elle et toute sa famille.
 
Je ne souhaite pas m’étendre plus longuement sur ce sujet édifiant…
Toutefois, pour donner une autre façon d’aborder la question, j’invite juste à lire un court article de ce blog (tenu par un retraité français parti vivre définitivement au fin fond du Sénégal). Et pour montrer comment sont perçus les français s’adonnant à ces pratiques, je copie/colle un commentaire laissé par un sénégalais en réaction à cette publication :
 
 
 
 

 « Le français ? Hihiii dééé, il est trôôôp fragile, là quoi ! » 

 
Les français sont souvent perçus comme fragiles et pas très résistants. Ils font partie de la famille “Tamalou”.
 
Physiologiquement parlant, l’organisme du blanc-bec français supporte plutôt difficilement le soleil africain et les températures ambiantes. Même dans les régions les moins accablées de chaleur, ou bien durant la saison douce plus “fraîche” (alors attention, là encore, la théorie de la relativité s’applique… La notion de “fraîcheur” au Sénégal n’est pas tout-à-fait la même qu’en France ! Là-bas, dès que le thermomètre affiche moins de 20/25°, tout le monde chope la crève et même les expat’ sortent les petites laines car on se pèle… On nous avait pris pour des fous lorsqu’on était rentrés en France au printemps et qu’on n’avait pas quitté nos pantalons et tricots épais à manches longues jusqu’à l’été alors que tout le monde chez nous était déjà en tenue légère), le français crame à petit feu sous le soleil implacable sénégalais et la chaleur étouffante digne des enfers qui règne. Rare est le toubab qui ne subit pas, à un moment ou à un autre, un coup de chaud magistral en bonne et due forme, la métamorphose de la “cuisson à l’étouffée” passant du blanc blafard originel au rouge homard ébouillanté. Rajoutée à ça l’étape “liquéfaction” due à l’inévitable transpiration de l’extrême, et l’effet esthétique rendu sur les visages pâles peut être très divertissant pour les sénégalais couleurs café (ils ont toujours beaucoup d’humour) !
 
 
Le français se distingue aussi dans un autre domaine sanitaire : la tuyauterie interne… Son système digestif est délicat, l’exotisme alimentaire et le dépaysement dans l’assiette ont généralement pour conséquence une mutinerie des boyaux qui laisse des traces (au sens propre comme au sens figuré)
Les sénégalais pensent que c’est à cause du piment mis dans tous leurs plats. Pour eux, le français a beau avoir le palais fin, ses papilles et son estomac ne font pas le poids face à la cuisine sénégalaise.
Ce n’est pas faux… Ceci dit, pour l’avoir expérimenté, le piment n’est pas toujours le seul coupable.
 
 
 
Plus généralement sur le thème de la constitution physique, les sénégalais(es) trouvent les français(es) plutôt pas trop désagréables à regarder. Mais je suis bien incapable de dire précisément ce qui, à leurs yeux, rend les gaulois “visuellement attractifs”. Je sais juste que les sénégalaises aiment bien les français car ils sont (selon elles) romantiques, prévenants et galants.
 
Durant ma parenthèse expatriée, il m’est arrivé de me sentir comme une extra-terrestre débarquée de nulle part.
Le summum a été le jour où a été prise la photo du titre de cet article. Je suis assise sous un gigantesque manguier (d’où d’énormes mangues tombaient avec fracas, me faisant sursauter à chaque fois qu’une atterrissait lourdement près de moi. Une chance que je ne m’en étais pas prise une sur le tête, ça m’aurait assommée !) dans un village très reculé situé tout au Sud du pays, près de la frontière avec la Guinée-Bissau. Le jour où j’ai débarqué là-bas, j’ai cru être une bête de foire : des habitants n’avaient jamais vu de blancs de leur vie et nous dévisageaient avec une insistance assez gênante. Autant dire qu’avec ma peau pâle mi-blanche-comme-un-cul mi-viande-rosée suintant de transpiration (il faisait plus de 45° à l’ombre mais, malgré ça, la majorité des hommes présents avaient un bonnet en laine sur la tête. Mon regard en mode S.O.S. en dit long sur mon état à cet instant) et la longue tignasse bouclée aux reflets roux 100% naturels que j’arborais à l’époque, j’étais l’objet de toutes les curiosités.
Des enfants s’approchaient timidement pour toucher la peau de mes mains ou de mes bras puis partaient en courant comme effrayés tout en éclatant de rire. (Il faut préciser que dans beaucoup de pays d’Afrique, la peau blanche est assimilée aux albinos qui sont rejetés car considérés comme “maudits” ou comme des “créatures du diable”).
D’une manière générale, les filles étaient d’abord intriguées par mes cheveux, qu’elles pensaient faux (au Sénégal, beaucoup de femmes portent des perruques ou des rajouts cousus sur des petites tresses). Elles y tiraient dessus sans me demander mon avis ni se préoccuper de savoir si ça pouvait être désagréable. À plusieurs reprises, je me suis retrouvée cernée de toute part avec une armée de doigts plongés dans ma crinière et palpant avec obstination ma fibre capillaire. Un grand moment de solitude…
 
 
 
 

 Autres visions de la France et des français (florilège en vrac). 

 
Les français ont une horloge greffée dans la tête, ils sont toujours pressés même quand ils sont en vacances…
Comme je l’ai déjà évoqué lors de précédentes éditions des #HistoiresExpatriées, et notamment en détail dans celle-ci, le rapport au temps au Sénégal (comme presque partout ailleurs sur le continent africain) est radicalement différent de celui des français.
Pour l’avoir constaté dans les lieux touristiques, il est vrai que beaucoup de vacanciers supportent mal d’attendre pour obtenir ce qu’ils désirent là, maintenant, tout de suite. Ils s’imaginent que tout leur est dû et se comportent comme des enfants gâtés capricieux (grâce à certains d’entre eux, pour la première fois de ma vie j’avais eu honte d’être française…). Ceci dit, je ne pense pas que ce soit un comportement propre aux seuls français, mais plutôt inhérent au mode de vie occidental.
 
 
Les français ne travaillent pas beaucoup. Sans compter qu’ils sont souvent soit en grève, soit en arrêt maladie, soit en congés, soit en RTT…
Bref, en résumé, de nos jours, la France est perçue comme un pays de fainéants avec ses 35 heures, ses RTT, ses ponts collés aux jours fériés et ses cinq semaines de congés payés !
C’était déjà le cas à l’époque lointaine où je vivais au Sénégal et que les 35h de travail hebdomadaire, tout comme les RTT, n’existaient pas encore… Mon patron d’alors (je travaillais chez un sénégalais) n’avait plus trouvé que cet “argument cliché” à opposer à mes demandes d’un ou deux jours de congés accolés au week-end à l’occasion de la venue de mes parents chez nous à Thiès. Les congés payés n’existant pas au Sénégal, j’avais eu beau lui demander de déduire mon absence de mon “salaire”, il avait refusé toutes mes demandes.
J’avais trouvé ça terriblement injuste, et plutôt paradoxal car il ne cessait de vanter (je le cite)《 mon sérieux et mon implication sans jamais compter mes heures de travail (sous-entendu “pour une française”), mes capacités professionnelles et ma productivité incroyables (en comparaison avec les pratiques locales selon lui), mes compétences inégalées 》.
J’avais aussi trouvé ça un tantinet hypocrite car lorsqu’il s’agissait des jours fériés locaux, parfois démultipliés par le nombre de courants religieux et souvent augmentés d’un jour pour “récupérer des festivités”, il ne rechignait pas à me laisser chômer ces journées-là.
 
 
La France, ce pays colonisateur peuplé de chauvins prétentieux et râleurs…
On ne va pas réécrire l’Histoire car c’est un fait : la France a colonisé le Sénégal. Cette période a forcément laissé des traces et parfois du ressentiment (surtout chez les “jeunes” générations n’ayant pas vécu cette période bizarrement). Pourtant là-bas, plusieurs fois j’ai entendu des sénégalais, ceux de la génération des “anciens”, nous dire « c’était mieux du temps des français, on ne manquait de rien. On avait de vraies routes en bon état et bien entretenues, des écoles et des postes de santé dignes de ce nom […] ». Je ne m’étends pas sur la question, je n’en connais rien.
 
Pour ce qui est de la vision des français chauvins, prétentieux et râleurs, elle semble unanimement partagée dans le reste du monde. Les plus virulents nous en rajoutent une couche en nous taxant de pilleurs de richesses, d’arrogants et de condescendants.
Il paraît qu’il n’y a pas de fumée sans feu… C’est vrai que nous autres français, nous sommes les champions du monde toutes catégories pour toujours râler (moi la première ? !) et n’être jamais contents.
 
Comme le disait ironiquement Coluche, le choix du coq ? comme “emblème” de la France est judicieux car c’est « le seul oiseau qui continue à chanter même les pieds dans la merde » (traduire “chanter” par “être prétentieux, faire le fier, fanfaronner, se croire le plus fort, le plus beau, le meilleur”…).
Le côté prétentieux pourrait également être illustré par cette citation de Robert Sabatier (écrivain français) : « Les Français sont ces gens impossibles qui répètent qu’impossible n’est pas français. ».
 
En ce qui concerne le chauvinisme, je crois que nous avons quand même des circonstances atténuantes non ? Ne nous rabâche-t-on pas partout sur la planète que la France est le plus beau pays du monde ? ? Les près de 90 millions de touristes venus fouler nos terres gauloises en 2018, et ce malgré le frein qu’ont été les gilets jaunes et les attentats, ne le démentent pas manifestement… COCORICO✌️? !
 
 
Les français ont beaucoup de chance de vivre en France !
Les sénégalais ayant mis les pieds/vécus en France ont une vision plus “légitime” (et non pas quelque peu “fantasmée” comme celle rappelée en début d’article) et peuvent parler en connaissance de cause.
Ceux-là estiment les français chanceux (à juste titre) car, en France, on a tout le confort basique, ces “petites choses” que l’on ne calcule même pas tellement ça parait “normal”.
Par exemple, quelle est la réaction d’un sénégalais découvrant pour la première fois un robinet dans un logement en France ? Et bien il va pousser un petit cri de surprise. Et que va-t-il faire ensuite lorsqu’il va l’ouvrir ? Il va s’écrier “wouaaaaah” (voire carrément faire une petite danse de la joie) en voyant simplement de l’eau couler ! Et quelle va être sa réaction lorsqu’il constate qu’il y a de l’eau froide ET de l’eau chaude ? Alors là, il va en rester bouche bée devant un truc aussi fou ! Oui… car au Sénégal, rares sont les habitations pourvues de robinets (la plupart du temps, l’eau va se chercher au puits, au forage ou au robinet “communautaire” du village/quartier), et quand il y en a, l’eau n’en coule pas beaucoup, pas souvent, voire pas du tout… Les pénuries et les coupures sont monnaies courantes. Quant au choix de la température de l’eau (luxe ultime), comment dire… ça n’existe même pas ! Comme je le raconte ici, suivant le lieu, soit l’eau qui coule du robinet est bouillante soit elle est froide. Après être allés deux fois au Sénégal, même mes enfants ont mesuré leur chance d’avoir de l’eau courante à la maison :
[…]    Dès le retour à la maison, il avait couru à la salle-de-bain avec sa grande sœur (sans qu’on ait besoin de leur répéter dix fois d’aller se laver, ou qu’on les menace de représailles, avant qu’ils daignent s’exécuter…). On l’avait alors entendu s’écrier, avec des trémolos d’intenses émotions dans la voix :
Regarde ! Une vraie douche, sans bestioles à chasser, avec une vraie “poignée” pour se mouiller et de l’eau chaude qui coule fort ! Je suis trop heureux chez moi…
#LePouvoirDeLaThéorieDeLaRelativité […]
 
Mais ce n’est pas tout. Les sénégalais considèrent aussi les français très chanceux de vivre en France car (liste non exhaustive…) :
ils ont l’électricité chez eux, en continu, sans soucis de coupures récurrentes intempestives ;
ils peuvent se soigner facilement, gratuitement, ont accès à des médecins et des hôpitaux dignes de ce nom (petit rappel ici à propos du système de santé au Sénégal) ;
ils bénéficient de l’éducation pour tous et l’école gratuite ;
leur pays offre un excellent réseau routier, bien développé et entretenu, ainsi que des transports en commun en bon état (pour se faire une idée du contexte sénégalais, c’est par là) ;
ils peuvent compter sur un État providence leur assurant un niveau de prestations/protection sociales sans équivalant dans le reste du monde : système de retraites, d’allocations familiales, d’indemnisation chômage, de revenus minimums, d’aides au logement, à la garde d’enfants, aux handicapés, de minimum vieillesse, de bourses scolaires/étudiantes, etc. Vu depuis le continent africain, la France est forcément perçue comme l’el dorado
 
 
Quand on prend vraiment conscience de tout ça, que l’on réalise que les français donnent l’image d’éternels insatisfaits revendicateurs qui en demandent toujours plus alors qu’ils vivent dans le pays des libertés et des droits de l’Homme, on en viendrait presque à penser que, dans le fond, Sylvain Tesson (écrivain voyageur français) n’a pas foncièrement tort lorsqu’il dit « La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer. »
 
 
 
 
N’en jetez plus, la cour est pleine ? ! Bien évidemment, comme toujours, il ne faut surtout pas faire de généralités. Mais je vais m’arrêter là, je crois que les français ont suffisamment été rhabillés pour l’hiver…
 
 
 
 
 
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édition n°20 : La Nature…
édition n°18 : Leurs coutumes/habitudes devenues miennes.(je n’ai pas participé à ce numéro)
édition n°17 : Qu’est-ce qu’on écoute au Sénégal ?
édition n°16 : Un mot, une expression…
édition n°15 : La cuisine…
édition n°14 : Mon intégration…
édition n°13 : Le système médical…
édition n°12 : Les rapports humains…
édition n°10 : Le corps ailleurs…
édition n°7 : Votre coin de France.(je n’ai pas participé à ce numéro)
édition n°5 : Mon ailleurs la nuit…
édition n°4 : Ma nouvelle routine…
édition n°3 : Pourquoi es-tu partie ?
 

D’autres participations abordant ce thème sont listées en fin d’article ici.

 
 
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6 Comments on “[ #HistoiresExpatriées ] Vision de la France et des français au Sénégal…

  1. Merci pour cet article passionnant ! Il m’a rappelé mes séjours au Maroc (j’avais été poursuivie par 5-6 gamins qui voulaient de l’argent) et en Malaisie (où pour visiter la forêt équatoriale de Bornéo, l’agence avait acheté “en mon nom” des bonbons et des gâteaux dont tous les emballages plastiques étaient ensuite jetés dans la forêt)… Les clichés ont la vie dure… des deux côtés !

  2. Ton article est d’utilité publique ! Il devrait être distribué à tous les voyageurs avant d’arriver à destination…
    Je viens de voir ton commentaire et c’est vrai que nos expériences se recoupent (malgré plusieurs années d’écart !). J’ai essayé de traiter le sujet avec humour parce que j’avais du mal à le poser mais je trouve que tu le fais très bien. En partant on prend conscience de l’immense chance qu’on a. On se rend aussi compte d’à quel point nos vies sont “fantasmées” par d’autres…
    Combien de fois j’ai entendu à Mada des “Vazahas, Rends l’argent !”… Combien de fois j’ai du expliquer à des familles de touristes de ne pas acheter du lait en poudre pour les femmes dans les rues cambodgiennes… Et quand on sait le trafic de fournitures scolaires après de célèbres “actions humanitaires” en Afrique ou en Asie…
    Enfin bref, merci pour ton article ! 😉

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