[ #HistoiresExpatriées ] Le système médical… ⚕️
(édition n°13 – 11/2018)
(avec pour marraine Ferdy, expatriée au Canada)
Thème proposé :
LE SYSTÈME MÉDICAL
Précédemment dans « Desperate Expat’Wife »…
《 […] Arrivés au cabinet médical, on découvre la secrétaire très appliquée à la tâche qui l’occupe. Il y a un tas de morceaux de (ce qu’on pensait être du) tissu sur son bureau. Elle en prend un, l’étale lentement et l’aplatit méticuleusement en le pressant bien avec ses mains comme pour le repasser. Puis elle le récupère pour le déposer dans une espèce de boîte sur laquelle il y a inscrit [compresses stériles] ? ! Et elle passe au morceau suivant.
Conditions sanitaires optimales pour repartir de là avec une septicémie en cadeau bonux…
Arrive le tour de Philéas.
Il suit le docteur dans une petite salle (de torture ? de mise à mort ?) et va s’allonger sur la table (d’examen ? d’autopsie ?) qui s’y trouve pendant que l’infirmier enfile un tablier de boucher et sort tout le matériel (je n’ai pas revu la boîte de compresses stériles…). Ils lui mettent une espèce de torchon sur le visage, et y font un trou pour pouvoir laisser passer le « bulbe ». C’est donc ça qui fait office de champ stérile… Ils lui font une anesthésie locale puis l’infirmier se met à appuyer et à presser de toutes ses forces pour vider le furoncle. Philéas dit ne pas souffrir, mais pourtant je vois son corps sursauter sous les assauts répétés de son bourreau… Finalement, il faut agrandir l’orifice au ciseau chirurgical afin de réussir à faire sortir tout ce qu’il y a dedans avec les énormes bourbillons. Ce qui est extrait de là est indescriptible (et super dégueulasse) !
Scène d’horreur à laquelle j’assiste, impuissante, tétanisée et éberluée, du début jusqu’à la fin en flippant en silence…
Quand la ponction/curetage a été terminée, le docteur a pris des bandes de gaze, les a copieusement imbibées de bétadine (là au moins, j’étais sûre que les microbes seraient exterminés…) et les a fourrées (assez brutalement) dans la plaie jusqu’à combler tout le trou béant. Puis, après lui avoir grossièrement scotché un pansement sur le visage, hop, on est repartis comme on est arrivés.
[…]
Nous avons terminé les derniers mois de notre parenthèse expatriée avec une super furonculose chacun, que nous avons ramenée en souvenir à notre retour au bercail… Car aucun des traitements administrés là-bas n’a réussi à éradiquer l’infection. Pourtant, on était allés à l’Institut Pasteur à Dakar pour que Philéas se fasse faire un prélèvement afin d’établir un antibiogramme pour savoir quel antibiotique prendre. On a alors découvert qu’il avait chopé un staphylocoque doré. Génial ! Sauf que voilà : l’antibiogramme rendu présentait les résultats « à l’envers » (erreur de saisie de compte rendu…), et Philéas s’est gavé pendant des mois de tous les antibiotiques auxquels le staphylo était résistant en réalité… […] 》
Pour cette furonculose d’anthologie, un certain nombre de sénégalais de notre entourage nous avaient prodigué leurs meilleurs conseils en matière de méthodes de soins « à la mode bien de chez eux ».
Ainsi, pour accélérer la maturation et la montée du pus, on nous avait fortement encouragés à couper un petit oignon en deux, creuser un peu le centre d’une des moitiés et poser ça directement sur l’orifice purulent du furoncle. Pour fixer le tout sur la partie du corps concernée, du scotch ferait l’affaire. Opération (à oignon et bubon ouverts) à réaliser plusieurs jours. C’était radical soit disant ! Méthode locale traditionnelle garantie à plus de 100% !
Bon, dans les faits, on n’a pas essayé pour tout dire. Blocage irrationnel et stupide, mais, honnêtement, on se voyait mal devoir se balader avec un demi oignon scotché sur une partie du corps. Pas très pratique franchement, surtout quand il s’agissait des furoncles sur le visage… Déjà, rien que d’éplucher l’oignon, ça fait pleurer à chaudes larmes, alors si, en plus, il avait fallu l’appliquer près des yeux, ça aurait vidangé nos glandes lacrymales et aurait été insupportable ! Sans compter l’odeur âcre que dégage l’oignon cru resté trop longtemps à l’air libre et, qui plus est, à une température ambiante aussi élevée.
Une toute autre technique de soin m’avait été recommandée : cracher de la salive sur la plaie et y étaler copieusement la bave. C’était présenté comme la solution logique et naturelle pour que les anticorps présents dans la salive puissent s’attaquer aux microbes du furoncle et ainsi soigner l’infection.
Le monsieur m’ayant suggéré cette idée lumineuse pleine de bon sens, avait même voulu me faire une démonstration avec SA propre salive sur MON vilain furoncle. J’avais eu toutes les peines du monde pour ne pas (trop) laisser transparaître mon effroi ! Mon mouvement de recul, quand il m’avait tendu sa bave au bout du doigt, m’avait trahie de toute façon. Non mais quelle horreur… Un truc pareil, c’était un aller simple assuré pour la case septicémie !
Et sinon, à part ça ? C’était comment le système médical au Sénégal ? À mes yeux, c’était un peu la cour des miracles… Dépaysant ! Hallucinant, flippant, choquant, révoltant, injuste, quasi inexistant…
Je pourrais trouver plein d’autres qualificatifs, ils seront tous du même acabit car attribués de mon point de vue (forcément subjectif) d’occidentale.
Pour autant, ça ne va pas me dissuader de témoigner en racontant quelques aspects de mon expérience personnelle, période durant laquelle j’ai beaucoup observé l’environnement dans lequel je (sur)vivais et dont je ne comprenais pas grand-chose.
#JeSuisDeNatureCurieuse ? ?
Depuis cette époque, la situation a sans doute dû évoluer. Mais pour être honnête, je ne suis pas persuadée que beaucoup de choses aient réellement changé… Des pratiques existant depuis la nuit des temps ne s’évaporent pas comme ça en à peine plus de deux décennies.
La 4ème dimension médicale sénégalaise…
Comme sur tout le continent africain, le Sénégal n’a pas du tout la même approche de la médecine qu’en Occident.
Le recours à la médecine traditionnelle est profondément ancré dans les us et coutumes. Croyances et mysticisme en sont très étroitement mêlés. Il ne faut pas oublier que l’animisme reste prépondérant, même si d’autres religions ont bien souvent été adoptées en parallèle.
D’ailleurs, quelle que soit la religion, chaque sénégalais reçoit à sa naissance un gri-gri qui devra toujours être porté (attaché par une cordelette autour de la taille la plupart du temps). Même les habitations ont parfois leur gri-gri. Il s’agit d’un petit objet fétiche unique destiné à protéger, à conjurer le mauvais sort, à procurer de la force et du courage, bref à éloigner le mal et à attirer le bien. Il peut être constitué par exemple de perles, d’un petit bijou, de coquillages, de graines, de petits os d’animaux, de dents de phacochère, de versets du Coran inscrits sur un bout de papier glissé dans un tout petit sac, de plantes séchées mises dans un mini étui en peau animale, etc.
Au Sénégal Oriental, région reculée du pays, un jour j’avais demandé à quoi servaient les petits objets accrochés autour de la taille des enfants d’un village de brousse. On m’avait répondu que c’était pour les protéger des morsures de serpents…
La notion de profane n’existe donc pas dans ces contrées-là. Soigner est considéré comme une fonction sacrée.
En cas de nécessité de soins, l’immense majorité des sénégalais se tourne d’abord spontanément vers les tradipraticiens et leur « médecine magique miraculeuse ». Les consultations n’ont pas lieu dans des Cabinets aseptisés de médecins en blouses blanches immaculées (ça fait toujours plus sérieux la blouse blanche… C’est bien connu : l’habit fait le moine…), mais chez des guérisseurs, des marabouts, des féticheurs ou autres sorciers. Eux n’ont pas de thermomètres, de stéthoscopes, de tensiomètres, ni aucun matériel d’examen médical classique. À la place, pour établir leur diagnostic, ils reçoivent des offrandes (et/ou se font généreusement graisser la patte…) et ont recours à des méthodes alternatives singulières.
Par exemple, ils interrogent, tels des devins, les esprits des ancêtres. En fonction des réponses (reçues d’outre-tombe), ils ont recours aux gris-gris, ils préparent des potions, des mixtures, des onguents, des philtres, des décoctions à base de plantes, d’extraits végétaux et/ou animaux et parfois même de substances minérales.
Autre exemple : ils peuvent zigouiller un poulet (ou tout autre animal, selon les moyens financiers du patient) ; suivant de quel côté tombe la tête de la bête sacrifiée, ou suivant la couleur des entrailles, l’issue de la situation sera positive (des entrailles blanches sont de bonne augure) ou négative (si les viscères sont sombres, le dénouement risque de l’être tout autant).
Dernier exemple, typique aussi, ayant recours à la divination : l’utilisation des cauris. Ce sont de petits coquillages qui, jadis en Afrique, étaient utilisés comme monnaie. Le féticheur les « consulte » pour le guider dans son diagnostic. Il les jette en l’air puis interprète la façon et la position où ils tombent par terre, pour établir son « ordonnance ».
Comme il n’existe aucune réglementation (un projet de loi pour reconnaître officiellement et ainsi encadrer la profession aurait vu le jour il y a peu de temps), de nombreux charlatans ayant flairé le bon filon pullulent un peu partout, en quête de malades « crédules » à plumer (à la place des poulets sacrifiés). À tous les coins de rue, des panneaux promettent des prodiges (invariablement liés au sexe ! C’est primordial le domaine sexuel…) grâce aux « supers pouvoirs » des « supers sorciers guérisseurs magiciens » autoproclamés.
(D’ailleurs, on retrouve parfois des flyers jusque dans nos boîtes aux lettres en France ! Ce doit vraiment être un business juteux pour qu’il s’exporte aussi bien…)
Comme dans beaucoup de domaines, il y a des dérives, mais il ne faut pas s’y tromper : au Sénégal, cette forme de « médecine parallèle » est très largement utilisée. Les bienfaits et guérisons qu’elle procure sont parfois réels.
Il existe d’ailleurs des centres dédiés à ces pratiques : ce sont des « cliniques » plus ou moins expérimentales où seule la pharmacopée traditionnelle est utilisée. L’établissement pionnier en la matière est l’hôpital Keur Massar, situé dans la banlieue de Dakar, fondé par le Professeur Yvette Parès dans les années 1980.
Notre approche occidentale rationnelle très cartésienne ne peut pas expliquer ces techniques d’une manière scientifique. Toutefois, au-delà de l’efficacité avérée de quelques plantes, certains suggèrent que l’effet placébo, domaine ô combien controversé mais néanmoins très étudié depuis quelques temps, participerait beaucoup aux résultats positifs constatés.
Quoi qu’il en soit, la médecine traditionnelle, multiséculaire, ne risque pas d’être occultée de si tôt puisque même l’O.M.S. (Organisation Mondiale pour la Santé) la reconnaît et la définit comme étant « la somme de toutes les connaissances, compétences et pratiques reposant sur des théories, croyances et expériences propres à différentes cultures, qu’elles soient explicables ou non, et qui sont utilisées dans la préservation de la santé ainsi que dans la prévention, le diagnostic et l’amélioration ou le traitement des maladies physiques et mentales ».
Elle existe sur tous les autres continents de la planète. Et il ne faut pas oublier qu’avant l’émergence et la suprématie de la médecine scientifique moderne, en Occident aussi on faisait « avec les moyens du bord » par le biais de ce genre de pratiques alternatives.
Bien que nous aurions pu être d’excellents clients (étant donné l’accumulation de pépins de santé subis là-bas), nous n’avons jamais osé avoir recours à la médecine traditionnelle sénégalaise. Nous n’avions aucune envie de faire office de cobayes aux mains d’apprentis sorciers !
Il y a eu deux périodes durant notre expatriation au Sénégal.
La première était lorsque nous vivions à Kaolack.
Là, les consignes reçues étaient on-ne-peut-plus claires : priorité absolue à l’automédication ! À moins d’être totalement inconscient, ou alors carrément au bout de sa vie tendance suicidaire, il nous était extrêmement déconseillé d’aller consulter à la Clinique, et encore moins à l’Hôpital local. Il n’y avait pas de médecins tels qu’on les connait en France. Il n’y avait pas vraiment de pharmacies 100% fiables, les médicaments vendus sur place étant très souvent de dangereuses contrefaçons frelatées (un énorme problème de santé publique au Sénégal).
Nous avions donc été briefés pour savoir diagnostiquer les maladies banales et courantes du style angine, rhume, rhino-pharyngite, bronchite, gastro, conjonctivite, etc. Nos docteurs en France nous avaient prescrit une multitude de médicaments pour soigner ce genre de chose par nous-mêmes. J’avais embarqué une véritable annexe de pharmacie dans mes bagages ! (non, non, je ne suis pas hypocondriaque… J’ai juste un peu peur de tout !). Bien m’en a pris, car nous avons TOUT ingurgité (plus tout le réassort que nos familles nous ont envoyé par colis postal), tellement nos systèmes immunitaires ont pris cher en étant soumis à rude épreuve pendant l’intégralité de notre parenthèse expatriée…
Ensuite, nous avons déménagé à Thiès.
D’un point de vue médical, on s’était sentis beaucoup moins livrés à nous-mêmes car nous y avions trouvé un couple d’origine libanaise (la communauté libanaise était et reste importante au Sénégal) dont la femme était médecin généraliste « à l’occidentale » et le mari était pharmacien (et accessoirement notre « bureau de change » !) avec une pharmacie vendant de vrais médicaments.
Nous les avions « adoptés » avec soulagement pour leur déléguer la prise en charge de la plupart de nos multiples soucis de santé. Il ne fallait pas être trop regardant sur l’éthique et la déontologie. C’était plus le serment d’hypocrite que celui d’Hippocrate… Comme je l’ai brièvement évoqué dans l’édition n°6 des #HistoiresExpatriées :
Quand le toubab va chez le toubib…
Parfait exemple de clientélisme opportuniste : la consultation médicale. Quand on allait chez le docteur, c’était toujours le même scénario dans la salle d’attente. La secrétaire demandait d’abord qui pouvait payer cash. Ces patients-là, presque que des toubabs, passaient avant les autres. Et parmi ceux-ci, les prioritaires étaient ceux qui avaient la meilleure assurance santé remboursant leurs frais médicaux, peu importaient le motif et l’urgence de la consultation ! Le serment d’Hippocrate ? C’est quoi ça ? Business is business…
En théorie, en cas de pépin de santé plus conséquent, il fallait foncer à la capitale, Dakar disposant de la très grande majorité des quelques infrastructures médicales (plus ou moins) dignes de ce nom.
Une fois, il nous a fallu aller y consulter un médecin au Consulat de France, c’était lorsque Philéas avait chopé le paludisme (beaucoup plus fort que moi qui avais pu me soigner seule avec le traitement prescrit par mon docteur en France avant mon départ. Les effets secondaires des médocs avaient été tellement terribles que j’avais bien cru qu’ils allaient me faire crever avant que le palu ne s’en charge…).
Un des collègues (expat’) de travail de Philéas avait été hospitalisé à Dakar. Ce fut surréaliste, en dehors du fait qu’il lui avait fallu acheter lui-même ses médicaments, ses pansements, ses aiguilles/seringues, son alimentation, les draps, le linge, etc… Les diagnostics établis s’enchainaient, sans grande cohérence. Devant l’indécision des toubibs locaux, on avait eu l’impression que les pronostics de maladies suspectées étaient tirés au sort. Hépatite A, grippe sénégalaise (on ne connaissait pas cette version locale !), paludisme résistant, méningite, empoisonnement du sang par piqûre de tique, bilharziose du foie. Bref, c’était grave, il maigrissait et dépérissait à vue d’œil, mais, concrètement, personne ne savait ce qui clochait. Le pauvre expat’ avait pratiquement été réduit à l’état de cobaye et n’était plus que l’ombre de lui-même. Au bout de trois semaines, il avait finalement fini par guérir : parmi la tonne de médocs ingurgités, il avait dû y en avoir certains qui avaient fait effet…
De notre côté, nous n’avons jamais mis les pieds dans aucun hôpital ni aucune clinique, de Dakar ou d’ailleurs dans le pays.
Nous avons aussi échappé à l’épreuve du dentiste. OUF !
Je n’ai pas eu besoin non plus « d’exploration spéléo » approfondie chez le gynéco… Re OUF de soulagement de l’extrême ? !
En cas de souci de santé vraiment sérieux, alors là, si on voulait avoir une chance d’y survivre, pas d’autre alternative envisageable que le rapatriement sanitaire direct…
Cette option nous avait traversé l’esprit à un moment où la santé de Philéas ne parvenait plus à reprendre le dessus. Mais finalement, nous avons résisté jusqu’au bout de nos contrats.
Et puis enfin, dans un autre domaine, toutes les femmes d’expat’ que j’avais eu l’occasion de croiser là-bas m’avaient unanimement prévenue : en cas de grossesse, il ne fallait pas rester au Sénégal au-delà du 8ème mois. Il fallait impérativement rentrer accoucher en France, et revenir quelques semaines après, le cas échéant. Heureusement, à cette époque, le projet de me reproduire n’était pas du tout à l’ordre du jour ? ! J’avais bien d’autres zébus chats à fouetter à ce moment-là…
Aperçu du système médical et sanitaire local…
A l’époque de notre expatriation, au milieu des années 1990, le système médical existant, basé sur le(s ruines du) modèle du système français, était peu développé dans le pays car principalement concentré dans et autour de la capitale Dakar.
Comme en plus il n’existait pour ainsi dire pas d’assurance maladie (un système de cotisations sociales basées sur les salaires/revenus n’est pas du tout pertinent et n’a aucun sens dans un pays où le principe administratif déclaratif ne fonctionne pas), et encore moins de mutuelles, faute de moyens l’écrasante majorité de la population avait difficilement accès aux soins.
Les infrastructures publiques existantes, toutes héritées de l’époque coloniale, n’étaient pas entretenues. Leur état de vétusté faisait peur à voir. Les bâtiments tombant presque en ruine n’incitaient pas à se sentir en confiance et en sécurité en y allant.
D’ailleurs, là-bas, l’hôpital public était plutôt synonyme de mouroir… Se faire soigner était à ses risques et périls : manque total d’hygiène, équipements défectueux, erreurs médicales par négligences et mauvaises conditions de travail, personnel soignant parfois non qualifié et souvent démotivé.
De toute façon, malheureusement (je devrais plutôt dire « heureusement » en l’occurrence…) l’hôpital public était inaccessible aux locaux. Avant même de pouvoir consulter qui que ce soit, tout malade devait d’abord payer un « ticket » juste pour avoir simplement le droit de franchir la porte d’entrée du centre hospitalier… Le tarif variait en fonction du type de consultation demandée. Ensuite, il fallait bien-sûr payer la consultation puis les médicaments le cas échéant. En plus de tout ça, si jamais une hospitalisation survenait, c’était à la famille de prendre en charge et de s’occuper de l’hygiène et de l’alimentation du malade.
Dans le pays, la répartition des structures sanitaires était très inégalitaire. Alors que dans les grandes villes il existait quelques (décombres d’) hôpitaux publics, des cliniques privées et des centres de santé, ailleurs dans les zones rurales et en brousse, on ne trouvait que quelques cases de santé pour la « bobologie », et des dispensaires dans les villages de plus grande taille. Mais bien souvent ce n’était plus que des locaux « vides », dépourvus de matériels encore en état de fonctionnement et de suffisamment de médicaments pour pouvoir soigner qui que ce soit.
La raison était simple : manque de moyens. La quasi-totalité de ces postes de santé ont été construits, aménagés, équipés et approvisionnés en produits pharmaceutiques par des O.N.G. (Organisations Non Gouvernementales) internationales venues faire leur B.A. en Afrique sous couvert d’action humanitaire. Leur démarche aurait été 100% louable si elles étaient allées jusqu’au bout du processus. Mais le fait est que, pour la plupart, elles n’ont assuré aucun S.A.V. : une fois le projet accompli, elles sont reparties sans se préoccuper d’un quelconque suivi ni d’aucun financement pour assurer la pérennité du fonctionnement de la structure.
Par ailleurs, du personnel médical, formé dans les règles de l’art, était une denrée rare. Rien que la présence d’un infirmier (vraiment qualifié) tenait déjà un peu du miracle.
S’ajoutait à cela toutes les dérives du clientélisme, du népotisme, de la corruption. De par l’obligation d’entraide et de solidarité à laquelle ils sont culturellement soumis, ceux qui travaillaient dans les structures médicales étaient plus ou moins obligés de favoriser l’accès aux soins aux membres de leur famille (toujours au sens très large) et à tout leur entourage.
#PasseDroitParty #BalanceTonCorrompu
D’un autre côté, la pénurie des produits pharmaceutiques était récurrente, et, de toute façon, encore une fois, les prix inaccessibles pour les locaux. Beaucoup de médicaments vendus au Sénégal, même dans des officines, étaient trop souvent de dangereuses contrefaçons.
Ce fléau de santé publique existe toujours de nos jours. Chaque année, il est à l’origine de millions de morts sur tout le continent africain. Les trafics sont monnaie courante. De vastes réseaux sont régulièrement démantelés.
Ces pénuries sont toujours d’actualité, à tel point que même certains centres hospitaliers en viennent à s’approvisionner sur les marchés parallèles des faux médicaments (en provenance d’Inde et de Chine principalement). Les conséquences peuvent être dramatiques.
Au Sénégal, il existe bien sûr des pharmacies « classiques », soutenues par un puissant et influent lobby de l’industrie pharmaceutique.
Mais il faut savoir que les « médicaments » se vendent aussi au bord des routes, dans la rue ou sur les marchés. Ils y sont beaucoup moins chers mais ils sont contrefaits…
À l’époque de notre parenthèse expatriée sénégalaise, des progrès étaient enregistrés, cependant la situation sanitaire n’était pas idéale. Pour autant, le pays faisait partie des « moins pires » d’Afrique, malgré le niveau de pauvreté de la population. On ne meurt plus de faim au Sénégal par exemple.
D’une manière générale, l’espérance de vie, légèrement meilleure que dans d’autres pays de la zone sub-saharienne, était en progression significative… une fois l’étape critique de l’enfance franchie… En effet, la mortalité infantile et infanto-juvénile était (et reste encore de nos jours) élevée ; elle est encore plus importante en zone rurale (là où vit la moitié de la population).
《 Mieux vaut prévenir que guérir 》dit le proverbe.
Alors, pour (tenter de) sensibiliser toujours plus les populations, il existait pas mal de campagnes de préventions sanitaires (contre la transmission du V.I.H. ou la propagation du choléra par exemple), de promotions des bienfaits et de la nécessité de la vaccination (on croise énormément de personnes déformées par la polio au Sénégal), d’incitations à l’hygiène et à la désinfection (pour enrayer des vecteurs majeurs de la prolifération de maladies), de conseils de protection des mères et des enfants.
Tous les petits ont les narines farcies, débordant et dégoulinant de morve. En Afrique, rien d’anormal à ça. C’est juste la méthode naturelle du corps pour « filtrer » et empêcher les microbes et autres agents pathogènes de coloniser et infecter la sphère ORL.
Quand on réfléchit bien à cette barrière naturelle (pas très ragoutante mais 100% bio), c’est tellement plein de bon sens qu’on pourrait en faire un slogan sanitaire :
Tout ça partait de très bonnes intentions, et d’une réelle volonté de faire progresser et améliorer les choses. Mais concrètement, pour ce que j’ai pu observer en vivant parmi les locaux, j’avais l’impression que c’était un peu comme prêcher dans le désert. Les priorités des autochtones étant ailleurs, cela me semblait aussi efficace que pisser dans un violon…
Je donne un seul exemple (et j’en termine par là) : la gestion des déchets.
Au Sénégal, faute d’infrastructures par manque de moyens, aucun service de collecte n’existait. D’ailleurs, ça n’existe pour ainsi dire toujours pas actuellement. Quelques initiatives privées ont vu le jour ici ou là, mais ça reste encore trop confidentiel.
Alors comment font les habitants puisque rien n’est prévu ? Et bien chacun jette ses poubelles n’importe où. Tout ce qui est « digeste » est mangé par les animaux. Tout ce qui est « récupérable » trouve une nouvelle vie en étant transformé (les sénégalais sont champions pour la récup et le système D !). Tout ce qui est dans la catégorie « sacs et sachets plastiques » (les animaux ne les ingurgitent pas, les hommes ne les recyclent pas) pollue tout l’environnement, un véritable fléau partout en Afrique.
Quand le volume des ordures devient trop important, les locaux y mettent le feu, rendant ainsi l’air de toute la zone irrespirable et hautement toxique. Par la même occasion, ils en profitent d’ailleurs pour y faire sécher et fumer les poissons pêchés (c’est plus goûteux ainsi)…
Inutile de dire que des montagnes d’ordures sur les lieux de vie ne sont pas vraiment propices à un environnement sain et aseptisé.
Tout le monde vit au milieu de tout ça, les enfants y jouent avec insouciance sans que personne ne semble s’en inquiéter.
Les poubelles en décomposition s’infiltrent dans les sols jusqu’au risque de contamination des nappes phréatiques. Sans compter qu’elles sont le lieu idéal pour le développement et la propagation d’épidémies.
De simples campagnes de préventions sanitaires, aussi efficaces soient-elles, n’apporteront pas de solutions concrètes et donc, à mon sens, n’y changeront pas grand-chose !
Les populations ne sont évidemment pas contentes de vivre à côté des détritus, mais elles n’ont pas vraiment le choix puisque rien n’est prévu pour empêcher ça…
Heureusement, des prises de conscience et des actions concrètes émergent au niveau local et donnent naissance à des projets très prometteurs. C’est le cas, par exemple, de l’entreprise SET+, créée par les « Aventuriers du Saloum », qui a pour objectif de collecter et trier les déchets plastiques afin qu’ils puissent être ensuite recyclés, transformés et valorisés.
Il ne reste plus qu’à souhaiter que cette initiative privée fasse des émules et se répande comme une traînée de poudre dans tout le pays.
Aux dernières nouvelles, un avant-projet de loi sur la gestion des déchets dangereux au Sénégal serait en préparation. Ce serait déjà un début… si, évidemment, cet « avant-projet » devient « projet » puis « loi » votée et mise concrètement en œuvre…
Gageons aussi que la volonté de ces dix dernières années du gouvernement du Sénégal de mettre en place un système de couverture maladie universelle de base (afin de garantir aux plus pauvres l’accès à un minimum de soins), ne reste pas au stade de projet sans réelle mise en application efficiente.
Espérons enfin (et surtout) que la corruption et les détournements de fonds, maux chroniques du continent africain, ne gangrèneront pas ces lueurs d’espoir…
C’est en découvrant (un peu incrédule et abasourdie) un autre système médical durant ma parenthèse expatriée que j’ai réellement pris conscience de la chance inestimable que nous avons de vivre en France. Pour être honnête, jusque-là, je ne m’en rendais pas vraiment compte, tout comme une grande partie des français.
Chez nous, avoir une consultation médicale et se soigner, c’est simple, gratuit, accessible à tous et sans (trop de) risques.
À tous ceux qui n’en seraient pas convaincus ou qui oseraient prétendre le contraire, je les invite ardemment à sortir de leur zone de confort pour aller voir en Afrique (ou ailleurs dans le monde, y compris dans d’autres pays occidentaux), comment ça se passe vraiment ailleurs et combien ça coûte directement. Une grande leçon de vie, de courage et d’humilité les attend…
édition n°4 : Ma nouvelle routine…
édition n°3 : Pourquoi es-tu partie ?
Toutes les autres participations abordant ce thème sont listées en fin d’article ici.
exactement ! tu as trouvé le bon mot : "choyés" !!! C'est très bien d'en être conscient, car c'est loin d'être le cas pour tout le monde…
wahou je suis restée scotchée par tout ces aventures médicales! Tu as raison, en France on est quand même choyés!