[ #HistoiresExpatriées ] Fêtes et lumières (d’)ailleurs…

 
 Thème proposé : (avec pour marraine Émilie, expatriée en Floride)
(édition n°2 – 12/2017)

FÊTES ET LUMIÈRES 
DE FIN D’ANNÉE
 
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Je dois dire qu’écrire pour le rendez-vous du mois de décembre d’#HistoiresExpatriées m’a un peu mise au défi… Pourtant le thème est on-ne-peut-plus d’actualité ! Mais le hic c’est que lors de notre expatriation, les seules fêtes de fin d’année que nous avons eu à passer au Sénégal ne s’étaient pas tout-à-fait déroulées comme d’habitude…

Dans notre pied-à-terre situé à Thiès (seconde ville d’expatriation au Sénégal après l’inénarrable Kaolack), pas de décorations kitchs “made in China”, ni de sapin en plastique croulant sous les boules et les guirlandes (ni de vrai sapin perdant ses épines au bout d’une semaine) ! Décorer un baobab (avec les moyens du bord) aurait été une alternative très originale, mais la taille colossale de l’arbre a été dissuasive…
Le 25 décembre au matin, pas de cadeaux à ouvrir  ! Le papa-Noël n’assurait pas sa tournée dans ce coin-là d’Afrique à l’époque, sous le prétexte fumeux que ses rennes ne supportaient pas la chaleur ?. Le vieux gros barbu rouge aurait pu envisager de remplacer ses bestiaux du grand Nord par des bestiaux locaux ; entre les ânes, les chevaux ou les zébus, il avait l’embarras du choix pour un plan B. Mais comme on dit : celui qui veut, trouve des solutions. Celui qui ne veut pas, trouve des excuses… Heureusement, les services postaux internationaux avaient permis de pallier ce grave manquement ? : nos familles respectives ne nous ayant pas oubliés, elles nous avaient envoyé des colis…

Côté atmosphère hivernale, autant dire que c’était complètement raté. Pas l’ombre d’un seul flocon de neige à l’horizon ! A la place, on s’était contentés des nuées habituelles de moustiques affamés, d’une overdose de soleil non-stop et des 35° ambiants la journée…
Évidemment, pas de feu de cheminée non plus avec nos chaussons accrochés dessus et des marrons en train de griller dedans ! Ce qui faisait office de point de chaleur dans notre habitation ouverte aux quatre vents, c’était le petit ventilateur portatif qui brassait laborieusement l’air bouillant…

Pour le côté “convivialité avec opérations gavage”, on a dû passer notre tour. Pas de successions de grandes tablées pour des repas passionnés interminables, gargantuesques et bien arrosés en famille ! Forcément, sans aucune famille à proximité avec qui se sustenter, et en l’absence de matières premières disponibles pour concocter des festins de fin d’année, c’était compliqué… Mais il fallait toujours voir le côté positif des choses : pour une fois, on avait ainsi échappé aux incontournables indigestions, crises de foie, gueules de bois des lendemains de fêtes, ainsi qu’à la surcharge pondérale découlant du régime saisonnier à 10000 calories/jour… Cette année-là, à la sempiternelle question 《 Tu fais quoi pour les fêtes de fin d’année ? 》, pour la première fois je n’avais pas répondu 《 Je prends 5 kg, comme d’habitude ! 》

Enfin, en ce qui nous concernait, pas de vacances dignes de ce nom ni de prime de Noël sur la paie du mois ! Faute de grives, on mange des merles, donc on se serrait les coudes dans l’adversité (et autant dire que les emmerdes en tout genre, y compris les pépins de santé, n’ont jamais manqué de nous pleuvoir sur la tronche pendant toute la durée de notre expatriation !!! C’est peut-être pour ça aussi qu’on n’a jamais retenté l’expérience…). Pour se réconforter un peu, on expérimentait la méthode Coué en se répétant 《 Graoul ! Niofar… 》, qui signifie en wolof C’est pas grave ! On est ensemble…, et qui résume assez bien l’état d’esprit des sénégalais quand rien ne va comme il faudrait…

Mais alors, me direz-vous, pourquoi ne pas être rentrés en France pour les fêtes de fin d’année ? Eh bien, comme je viens de l’écrire, parce que nous n’avions tout simplement pas de vacances. Et puis de toute façon, vu l’état physique et psychique dans lesquels nous étions à ce moment-là, si nous étions retournés en France, nous ne serions probablement jamais repartis terminer nos contrats au Sénégal…

Puisque nous n’avions pas pu rentrer voir nos proches, ce sont nos proches qui étaient venus nous voir au Sénégal, en plusieurs vagues, entre octobre et janvier.

Pour la période des fêtes de fin d’année, nous avions accueilli les grands-parents de Philéas. Et pour marquer le coup, nous les avions emmenés à plusieurs reprises sur la Petite Côte (située alors à 1h15 de Thiès), le littoral (hautement) touristique du Sénégal, pris d’assaut et overbooké en cette saison…

Ainsi, nous avions passé une partie du 24 décembre (c’était un samedi, jour chômé pour nous, OUF…) du côté de Joal-Fadiouth, regroupement de deux villages en une petite ville singulière, à cheval entre le continent et une île principale. Ce coin du Sénégal est l’une des rares régions, avec essentiellement la Casamance au Sud du pays, à compter une majorité de sénégalais de confession catholique. La période de Noël y a donc une importance toute particulière.
Nous avions mangé à la mi-journée dans un petit boui-boui plutôt sympathique à Joal (sur le continent), village tout en longueur au bord de l’eau, terminus de la route goudronnée (après, ce n’est plus que de la piste). C’est ici même que naquit Léopold Sédar SENGHOR, ancien président emblématique du Sénégal, devenu par ailleurs l’un des Immortels de l’Académie française.
Puis nous étions ensuite partis à pied pour visiter Fadiouth, village construit sur une île faite de coquillages, au bout d’une longue passerelle en bois (de près de 800 mètres) qui la relie à la terre ferme à Joal.

Lors de la balade dans les petites rues, nous étions passés devant l’église où une foule de femmes, vêtues de boubous bigarrés, s’affairaient bruyamment, dans la joie et la bonne humeur, à tout astiquer pour ensuite préparer le réveillon de Noël et la messe de minuit pour les adeptes du petit Jésus (dont je ne fais pas partie), une expérience dépaysante à vivre.
Sur une petite île voisine, reliée à celle de Fadiouth par une autre passerelle en bois, il y a un cimetière marin atypique. Il est un peu le symbole de la tolérance religieuse régnant au Sénégal. Les tombes catholiques et musulmanes y cohabitent, démontrant, s’il le fallait, que même après la mort, le peuple sénégalais a dans ses gènes l’art du “vivre ensemble” au-delà de leurs différences

Le lendemain, nous étions retournés sur la Petite Côte, pour passer la journée dans un domaine de vacances situé à Nianing, un petit village au bord de l’océan où nous avions nos habitudes depuis que nous vivions au Sénégal.
Il y avait un monde fou évidemment. Mais, pendant l’espace de quelques heures, nous avions retrouvé un peu de l’ambiance de Noël : décorations à gogo, partout des boules et des guirlandes, y compris sur un immense filao (faisant office de sapin), avec des paquets cadeaux factices à son pied ! Ce qui dénotait dans tout ça, c’était le décalage qu’il y avait entre cette période hivernale en France et la température qui régnait alors au Sénégal : 35° à l’ombre, tout le monde ou presque se baladant en maillot autour de la piscine, quand ils ne s’y trempaient pas. Nous avions profité du grand buffet de fête où les vacanciers se remplissaient la panse comme s’ils n’avaient pas mangé depuis des jours…

les côtés positifs de passer Noël sous les tropiques ?

Le week-end suivant, pour le réveillon du jour de l’An, nous avions réussi à réserver un bungalow pour une nuit au domaine de Nianing. Le repas du soir fut spectaculaire et très animé (il fallait juste apprécier les ambiances un peu caricaturales des clubs de vacances…). Une multitude de buffets s’enchainaient et rivalisaient sur les présentations artistiques (parfois très chargées) des différents mets proposés. Je me souviens encore des sculptures sur fruits assez impressionnantes !

 

Mais ce que je me rappelle surtout c’est le malaise et la honte que j’avais ressentis en découvrant le comportement consternant de la plupart des vacanciers présents ce soir-là… Lorsque les buffets avaient commencé à être mis en place, les gens s’étaient levés de leur table et s’étaient précipités sur les serveurs pour commencer à se servir avant même que les plats ne soient disposés sur les tables de service. Il avait fallu qu’une annonce soit faite à la sono pour obliger les gens à aller se rasseoir et patienter. Mais dès que le “feu vert” fut donné, la horde de touristes affamés s’était à nouveau jetés sur les buffets, en privilégiant d’abord ceux avec les énormes langoustes. Les gens remplissaient leurs assiettes plus que de raison, sans penser aux autres, ça débordait de tous les côtés. Ils se bousculaient, se marchaient sur les pieds, se passaient devant, s’insultaient, certains vociférant de poétiques et bienveillants putain, on n’en aura pas ! On n’a pas payé pour rien merde ! 》. Ce soir-là, simple expatriée en week-end parmi les touristes, pour la première fois de ma vie, j’ai eu honte d’être une toubab Surtout que franchement, il y avait de quoi manger pour un régiment ! Tous les buffets étaient renouvelés, si bien qu’à la fin du second service des entrées, la plupart des plats étaient repartis à moitié plein. Quel gaspillage ! Je passe sur les détails de la suite du banquet pantagruélique, mais il y avait eu ensuite le foie gras, les différents plats chauds, les fromages et les desserts, et le même cirque pathétique se reproduisait, sur fond d’animations musicales dansantes…

Si je rajoute à ça que j’avais failli perdre un œil à cause des cotillons projetés dans des tubes de cartons à bout portant, qu’il m’a fallu deux plombes pour enlever de mes longs cheveux bouclés le sac de confettis qu’on m’avait vidé entier sur la tête, que j’ai été copieusement éclaboussée par le vin rouge tombé de la table voisine, et que j’avais fini la nuit à vomir le peu que j’avais réussi à me servir et à manger, je peux dire que, VRAIMENT, ce réveillon expatrié du jour de l’An fut mémorable !!!

 

Les fêtes et lumières de fin d’année à la sauce judéo-chrétienne occidentale ne sont pas vraiment transposables au Sénégal. 

Pays de confession très majoritairement musulmane (plus de 90% de la population), Noël n’est pas censé être célébré, par définition. Sauf que le Sénégal a réussi la prouesse de conjuguer pacifiquement et harmonieusement la mosaïque de cultures, de traditions et de croyances que compte le pays. Et comme, en plus, les sénégalais ne ratent jamais une occasion de remercier leur(s) Dieu(x) et de faire la fête, toutes les opportunités sont bonnes à prendre ? !

Ainsi, les jours fériés au Sénégal sont plus nombreux qu’en France : se rajoutent aux fêtes civiles les fêtes chrétiennes et les jours de fêtes musulmanes. De plus, pour les jours fériés musulmans, ils sont parfois dédoublés car comme il existe plusieurs confréries, il arrive régulièrement que le Chef religieux de chaque obédience ne fixe pas la même date pour une même fête… Toute la subtilité de la décision réside dans l’observation du croissant de lune. Lorsque nous vivions là-bas, nous n’avons jamais réussi à comprendre comment il était possible qu’au même endroit, deux personnes puissent voir apparaître la même lune à deux moments différents !
Toujours est-il que les jours chômés ne manquaient pas, entre les jours officiels et les jours “officieux” qui les prolongeaient (histoire de récupérer et de s’en remettre ? !).

Concernant les fêtes (chrétiennes) et lumières de fin d’année proprement dit, on trouve facilement de quoi préparer Noël essentiellement à Dakar, avec des bana-banas (=vendeurs de rue ambulants) qui vendent des sapins en plastique, des Papas Noël de baudruche et autres décorations dans les rues, et même directement jusqu’à votre véhicule dans les embouteillages (très pratique pour ne pas perdre de temps !).

 

En dehors de Dakar, il est moins facile de se fournir. Mais dans les lieux publics tenus et/ou fréquentés par des chrétiens, on peut se rappeler qu’on est en période de fêtes de fin d’année. Car avec la chaleur et le soleil presque tout le temps, il faut bien avouer qu’on finit par être un peu déphasés en tant qu’expatriés…

 
En guise de conclusion, pour présenter les traditions festives plus spécifiques à notre ancien pays d’accueil, voici les fêtes musulmanes célébrées au Sénégal. Leurs dates ne sont pas fixes puisqu’elles varient en fonction de la lune.

Il existe un nouvel An musulman : le Muharram. Ce jour précis n’est pas fêté. Une célébration a lieu 10 jours plus tard lors du Tamkharit (ou Achoura) où une journée de jeûne est réalisée par les musulmans pratiquants. Pour cette nouvelle année qui commence, au-delà des invocations de circonstance, c’est le moment propice aux vœux. C’est aussi l’occasion pour chaque sénégalais de se souhaiter mutuellement une bonne année pleine de joie et de bonheur, quelle que soit la religion pratiquée. Il s’agit d’un vrai moment de partage inter-communautés qui se reproduit à l’identique lors du nouvel an chrétien.

Le Ramadan est pratiqué traditionnellement en observant le jeûne diurne pendant un mois. Les dates de début et de fin peuvent fluctuer d’une journée en fonction des chefs religieux des deux confréries en compétition (celle de Touba et celle de Tivaouane). Une grande fête est célébrée lors de la fin du ramadan, l’Aïd El Fitr, appelé Korité au Sénégal.

Une autre fête musulmane s’appelle le Gamou en wolof (ou Maouloud). Ce jour correspond à l’anniversaire de la naissance du prophète Mahomet.

La confrérie musulmane des Mourides célèbre le Grand Magal, la plus populaire des fêtes religieuses au Sénégal. Cette fête commémore le départ en exil de Cheikh Amadou Bamba Mbacké (fondateur de ladite confrérie). Il s’agit d’un grand pèlerinage annuel qui dure trois jours. Plusieurs millions de fidèles convergent alors jusqu’à la Grande Mosquée de Touba.

 
Enfin, le plus grand rendez-vous des musulmans au Sénégal est la Tabaski (ou Aïd El Kébir). C’est la fête du sacrifice, ou fête du mouton. Là encore, les dates peuvent être différentes suivant les obédiences. Mais ce qui est certain c’est que des milliers d’ovins feront les frais des célébrations, conformément à la tradition. Abraham avait reçu l’ordre Divin de sacrifier son fils, mais, in-extremis, il a préféré suivre les conseils prodigués par l’ange Gabriel en sacrifiant plutôt un mouton à la place. Sage décision…
Chaque année, les familles s’endettent beaucoup pour pouvoir acheter les plus beaux habits à porter le jour J, de quoi préparer le festin, mais surtout pour pouvoir se payer le(s) plus beau(x) bélier(s) à montrer fièrement devant chez soi (avant de le(s) sacrifier). Le prix des moutons flambe quelques semaines avant le grand jour, les spéculations font rage. Comme à chaque fois, le poids de la tradition du “paraître social” saigne les bourses familiales aux quatre veines. 
 
Autres cultures, autres mœurs, autres traditions de fêtes annuelles…
 

Toutes les autres participations abordant ce thème sont listées en fin d’article ici.

 

4 Comments on “[ #HistoiresExpatriées ] Fêtes et lumières (d’)ailleurs…

  1. et c'est bien dommage qu'il n'y ait pas plus de témoignages d'expatriation en Afrique… C'est tellement particulier dès que le choc des cultures est radical !

  2. Ce fut un article très intéressant à lire. Je n'ai pas souvent l'occasion de lire des récits d'expat en Afrique.

  3. Très intéressant à lire ce récit, j'ai souri, un peu grimacé (ah, les touristes) mais surtout appris quelques trucs, alors merci !

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