Ascension épique jusqu’à IWOL… sous l’oeil bienveillant de l’Esprit des Pierres…

 

 

[…]

Voilà, nous avons fait le plein de tout ce dont nous avons besoin. Nous pouvons nous remettre en route.

Pour aller en direction d’Iwol, il faut quitter le bitume. A partir de là, il n’y aura plus que des pistes en latérite dans le meilleur des cas. C’est reparti pour encaisser les vibrations, être secoués, et bouffer de la terre et de la poussière par tous les trous !!!

Quelques kms après la sortie de Kedougou, nous distinguons à l’horizon les premières collines. Ce sont les derniers contreforts du Fouta Djalon, massif montagneux Guinéen appe“Château d’eau de l’Afrique de l’Ouest” notamment parce que beaucoup de fleuves et rivières y prennent leur source.

C’est au sommet de l’un de ces monts, à une grosse quinzaine de kms, que se niche le village d’IWOL, la “capitale” des Bédiks, une ethnie locale très minoritaire peuplant les cimes environnantes.

Nous nous approchons de notre objectif…
Et l’appréhension (grandissante) qu’Estelle et Anthony ont depuis le départ, à propos de la montée jusqu’à Iwol, a enfin été apaisée. Car cela fait plusieurs jours que je “négocie ferme” avec Philéas, le Guide et le chauffeur Spaghetti : nos petits aventuriers pourront difficilement faire l’ascension à pied. Ça va être trop dur pour eux, surtout pour Estelle avec sa dysplasie rotulienne diagnostiquée il y a quelques mois… J’insiste donc une dernière fois pour me faire confirmer qu’on monte en 4×4 : puisque maintenant on (l’association “De l’eau pour Iwol”) a fait tracer une piste d’accès, autant l’emprunter.
Spaghetti nous assure que le camion peut grimper jusqu’au village.

Me voilà grandement soulagée !!! Mais je n’aurai pas dû…

 

 

 

 

 

 

Nous atteignons les collines. Je dois dire que découvrir pour la première fois ces paysages, si différents de ceux que je connais déjà par cœur, me dépayse enfin un peu… et ce n’est pas pour me déplaire. Le Sénégal n’est donc pas qu’un vaste pays plat et sans relief !

Après une bonne demi-heure de piste, nous arrivons au village de PATASSY et sa caserne de militaires, au pied de la colline. C’est à partir de là que démarre la fameuse piste qui monte jusqu’à Iwol.
Il ne nous reste plus qu’à avaler environ 450 mètres de dénivelé sur 3 kms et notre dernière destination de l’année 2014 sera atteinte…

Il est aux alentours de 15h. C’est parti… Le 4×4 avance doucement mais sûrement, il vaut mieux ménager la monture si on veut arriver jusqu’au bout.

A ma grande surprise, le début de la piste est carrossable et peu pentu. Dans un excès d’optimisme (ou de naïveté ?), je me dis que ça peut même être une balade sympa et que finalement ça va être une formalité cette ascension…

Nous croisons des jeunes qui descendent d’Iwol, ils nous rejoignent pour nous accompagner. Philéas décide soudain de continuer à pied. Il a l’habitude lui ! Devant notre réaction, il nous explique que monter par la piste, c’est moins difficile que lorsqu’il monte par l’autre côté de la montagne, au départ du village de IBEL, par un “sentier” très escarpé où il faut savoir jouer les bouquetins.

Et bien soit ! Philéas descend du camion et se met en marche. Comme à chaque fois qu’il a gravi cette colline, il rythme sa progression par son petit rituel incantatoire destiné à ne pas crever grillé : << Esprit des Pierres, que le soleil se cache le temps de l’ascension. >>
Depuis la première fois où il est monté à Iwol sous un soleil de plomb, et où il a cru en mourir d’épuisement tellement l’épreuve était harassante, il a fini par croire à ces Esprits dont les Bédiks lui ont parlé une fois là-haut. Depuis cette première ascension, à chaque fois qu’il y est retourné, il a fait son incantation, et à chaque fois les nuages ont masqué le soleil. C’est peut-être le hasard, une simple coïncidence qui se répète invariablement, mais Philéas, lui, préfère y croire mordicus… Devant l’épreuve physique, chacun trouve son courage et la force d’avancer comme il veut(peut).

Nous, le courage et la force, nous les avons trouvés en restant fièrement sur les banquettes à l’arrière du 4×4 ! Allez Spaghetti redémarre…

Petit à petit, le ciel se voile de plus en plus (véridique ! ), les nuages nous protègent du soleil de plomb et offrent ainsi un peu de répit à nos organismes déjà soumis à rude épreuve.

Au bout d’un moment, la structure de la piste commence à changer : ce n’est plus la même couleur de terre, plus on avance et plus il y a de roches au sol, la pente se fait beaucoup plus perceptible. On est de plus en plus secoués ; on doit se tenir fermement aux barres extérieures, mais malgré ça, on a de plus en plus de mal à maîtriser les bonds qu’on fait sur les banquettes. Mon dos crie au secours pendant cette séance de trampoline : une visite chez mon ostéopathe dès notre retour s’avère indispensable !!!
Estelle pousse des cris à chaque secousse. Anthony se croit de nouveau dans un jeu vidéo, il est tellement mort de rire qu’il lâche la barre à laquelle il s’accroche. Il faut que je le rattrape au vol pour éviter in-extremis qu’il ne soit éjecté du camion !

Au bruit poussif du moteur et à la perte progressive de vitesse, on comprend qu’on n’est plus les seuls à subir : le 4×4 semble sérieusement souffrir aussi… Mais après un virage, Spaghetti met soudain les gaz pour prendre de l’élan juste avant la première vraie côte parsemée de rochers et de trous.
À l’arrière, on se croirait en plein rallye du Dakar ! C’est de la folie furieuse, on est tellement balloté dans tous les sens qu’on se cogne de partout, et je commence à avoir peur qu’on finisse par se blesser bêtement pour de bon. Sans compter que je crains pour tout notre chargement de bourricot : pourvu qu’il soit bien attaché et que nos affaires ne se retrouvent pas dans le décor ou au fond d’un ravin !

Le 4×4 attaque péniblement le début de la pente, moteur à fond, puis il se met à zigzaguer de l’arrière avant de se planter net dans un trou au bout de quelques mètres. L’arrêt soudain projette Anthony contre la cabine du camion.

 

J’en arrive à me poser des questions sur la puissance du moteur, je doute même que le camion ait quatre roues motrices… De toute façon, les quatre pneus sont presque aussi lisses qu’une chambre à air, on ne risque pas d’adhérer à quoi que ce soit sur la route… J’en viens sérieusement à me demander si on va pouvoir la grimper cette piste !
Mais Spaghetti ne se démonte absolument pas. Imperturbable, fier et sûr de lui, il passe la marche arrière pour s’extraire du trou, puis recule jusqu’en bas de la côte. Sans se poser plus de questions sur la capacité réelle du véhicule, il repasse la première et remet les gaz à fond, roule aussi vite que possible, le moteur hurle. On attaque la côte. A cet endroit, le sol est complètement meuble : la piste n’est faite que de terre battue non compacte et de graviers, donc rien qui permette aux pneus d’adhérer…. si on avait eu des pneus en bon état ! Derrière, on fait presque drapeau au vent ; on s’agrippe comme on peut, à ce qu’on peut, en serrant les fesses et les dents (on ne peut pas croiser les doigts pour forcer notre chance, ils sont tétanisés autour des barres ou des sièges). Le camion dérape et zigzague de nouveau dangereusement avant de lamentablement s’échouer dans un vestige d’ornière. Nous encaissons le choc.

Tout bien réfléchi, avant que nos corps ne se transforment en hématome géant, je préfère finalement qu’on descende du 4×4, au moins le temps de la manœuvre pour passer cet obstacle…
Après avoir récupéré nos bouteilles d’eau, on grimpe sur les rochers en bord de piste, histoire de se mettre en sécurité. Mais je ne suis pas du tout tranquille pour autant, car je sais par ailleurs qu’ici c’est le royaume du mamba noir, un serpent redoutable (et accessoirement mortel…) qui se cache de préférence sous les cailloux. Et les cailloux, ce n’est pas ce qu’il manque sur cette montagne !!! Ce n’est pas pour rien que les Bédiks vivant ici sont surnommés “Le Peuple des pierres” !

Des jeunes déboulent en nombre d’en haut de la piste, accompagnés de Jean-Baptiste (le représentant du Chef du village d’Iwol) qui a été averti que nous étions là, et qui est descendu nous rejoindre à son tour pour nous accueillir.
Les présentations faites, nous retournons sur notre rocher d’observation. Je suis en état d’alerte maximale, je n’ai pas assez de mes deux yeux pour surveiller autour de nous.

Jean-Baptiste et tous les jeunes décident de pousser le 4×4 pour le faire sortir du trou. Leurs efforts répétés sont vains. A chaque nouvelle poussée, on tremble car le recul du camion est brutal, certains trébuchent, d’autres en perdent leurs tongs ou leurs sandales de plage en plastique. C’est un miracle si personne ne s’est fait écraser !!!

Le temps passe et le 4×4 n’a toujours pas avancé d’un centimètre. On n’a pas parcouru un dixième de la piste. On n’est pas rendu !!!! Et dans quelques heures le soleil va se coucher…

En attendant, heureusement que le ciel est à présent complètement voilé, on a chaud mais au moins on ne crame pas en plein cagnard (merci Philéas pour tes prières, elles ont été exhaussées…).
<< Dis donc Esprit des Pierres, puisque je constate que tu es là à nous observer, tu ne pourrais pas un peu intervenir pour faciliter et abréger notre ascension ? C’est pas que la situation est critique ou désespérée, mais ça va finir par être pénible à force !!! >>

Les jeunes s’affairent à ramasser des caillasses pour combler les ornières desséchées, et ainsi bloquer les roues arrières et éviter le recul brutal systématique qui suit chaque nouvel essai de démarrage en côte.
Une seule roue est piégée dans un trou, et je ne comprends pas pourquoi le 4×4 ne parvient pas à passer.


Spaghetti manifeste quelques petits signes d’énervement, mais comme il est un peu orgueilleux, il refuse de s’avouer vaincu.
Il finit par éteindre le moteur et sortir du camion.
Manifestement, un truc ne fonctionne pas avec le boitier de vitesse des quatre roues motrices. Il prend des risques inconsidérés à ramper sous le camion pour “basculer manuellement en mode 4×4” ?!?!?! Je n’y comprends absolument rien en mécanique, mais il m’avait bien semblé que ce 4×4 ne roulait pas en tant que tel jusqu’à maintenant. Je ne savais pas qu’on devait(pouvait) enclencher manuellement des roues motrices ?!?!?! A moins que ce ne soit le 4×4 qui soit une épave et que le double boitier de vitesse de la cabine ne puisse plus “commuter et s’enclencher”.
Le traficotage au niveau de chaque essieu dure, dure, dure…

Pendant ce temps, Anthony se met à saigner du nez à côté de moi. Il commençait à s’ennuyer… voilà de quoi l’occuper, et moi avec !

Les gosses, qui nous observent comme des bêtes curieuses depuis notre débarquement, profitent de ce petit incident pour s’approcher du rocher sur lequel on prend racine. Ils s’agglutinent autour de nous pour voir de plus près ce qui nous arrive.
On se sent scrutés, encerclés, comme pris au piège et cette situation commence légèrement à me gonfler.

Anthony pisse le sang, et malgré tout le nécessaire qu’on se trimballe toujours sur nous pour pareil cas, on n’arrive pas à stopper l’hémorragie. Le caillot ne prend pas assez, et à chaque fois qu’on pense que c’est bon, ça se remet à saigner de plus belle, puis soudain carrément des deux narines ! On ne s’en sort plus. Il faut dire qu’il fait très chaud et que la chaleur aggrave toujours les choses.

<< Esprit des Pierres, tu n’es plus là si ? Non parce que ça n’est plus possible cette chaleur. Merci infiniment d’avoir voilé le soleil, mais tu n’aurais pas aussi une option “chaleur moins intense” ??? >>

Comme si ça ne suffisait pas, Estelle se met à saigner abondamment du nez à son tour ! Je ne sais plus où donner de la tête…
C’est le moment gore d’Iwol Express, il n’était pas du tout prévu celui-là !!!
Jean-Baptiste s’inquiète de voir les enfants dans cet état, je dois le rassurer tant bien que mal. Car au fond, ce n’est pas bien grave tout ça (on a l’habitude de ce genre de petits ateliers “hémorragies Party” dans la Fogues Family), mais curieusement ça semble beaucoup impressionner aussi les gosses car ils écarquillent les yeux et ouvrent grand la bouche. Il ne faudrait quand même pas qu’ils s’imaginent qu’Estelle et Anthony ont chopé Ebola ! Leurs commentaires vont bon train en nous montrant du doigt et en nous regardant fixement. Mais comme ils ne parlent pas français, on ne comprend rien, on devine juste que c’est de nous qu’ils parlent.

Pour tenter de faire retomber la pression (au sens propre comme au sens figuré) et aussi couper court à toute l’agitation autour du spectacle vivant qu’on donne bien malgré nous, je descends de mon rocher, avec tous mes kleenex sanguinolents dans les mains, et demande discrètement à Estelle et Anthony de me suivre comme si de rien n’était. On avance plus loin sur la piste, histoire de s’isoler un peu plus haut dans un virage.
Par chance, la meute de curieux ne nous suit pas, Jean-Baptiste leur ordonnant de rester avec lui pour aider au dépannage.

 

Une fois à l’écart et à l’abri des regards, je m’assure que le bord de piste n’est pas déjà occupé par des bêtes indésirables… On tape lourdement les pieds sur le sol histoire de faire fuir tout reptile qui se cacherait sous un caillou ! Vu de loin, j’imagine que cette scène doit paraître étrange car certains des gosses tendent le cou pour voir où on est partis et ce qu’on peut bien trafiquer à lever ainsi les genoux en rythme.

À partir de là, j’aurais aimé pouvoir être Shiva l’espace d’un moment. Car je n’ai pas assez de bras et de mains : coincer les bouteilles d’eau sous chaque aisselle, attraper dans mon sac (qui est sur mon dos) un paquet de kleenex et la petite trousse de soin dans laquelle je pioche du coton du bout de mes doigts sales et le tube de pommade HEC, tube qu’il me faut évidemment ouvrir (sans faire tomber le bouchon par terre) pour pouvoir mettre un peu de pommade (sans la toucher pour éviter toute contamination) sur le coton (qui n’est plus aseptisé puisque mes doigts l’ont touché), coton qui ira dans chaque narine qui fuite, narine qui est déjà bouchée par un précédent coton (imbibé de sang jusqu’à saturation) qu’il me faut donc enlever et garder pour ne pas le jeter par terre ! La manœuvre est à reproduire trois fois d’affilée puisque trois narines se vident de leur sang en même temps.
Mon stock de kleenex s’amenuise au même rythme que mon énergie. Et pour couronner le tout, les estomacs de mes loustics crient famine, l’heure du goûter étant largement dépassée. Dans notre réserve alimentaire de secours, il ne reste plus que trois pâtes de fruit et de l’eau… Il va donc falloir s’en contenter jusqu’à nouvel ordre car on ne sait pas quand (ni quoi) on va pouvoir manger ce soir…

Scrutant en silence la magnifique vue panoramique qui s’offre à nous, je tente de contenir mon ras-le-bol.
 
<< Esprit des Pierres, à tout hasard, tu n’aurais pas un peu de motivation à m’insuffler, histoire que je puisse résister encore ? >>

Mais j’ai beau chercher un côté positif à ce qui se passe, je n’arrive plus à voir d’issue favorable à cette situation qui s’éternise.
Le 4×4 a réussi à avancer mais s’est planté à peine quelques mètres plus loin dans un autre trou qui semble encore plus infranchissable.
La fin de la journée s’annonce, et je n’ai aucune envie de passer la nuit sur la piste !
Je redescends vers le 4×4 et Philéas pour voir ce qu’on fait. Jean-Baptiste nous explique que les jeunes et lui vont décharger le 4×4 et nous porter toutes nos affaires jusqu’au village.

Il faut bien se rendre à l’évidence : ce dernier jour de l’année 2014 (dont on se souviendra à jamais) vire au cauchemar.
On va devoir monter à pied jusqu’à Iwol !
Alors autant que ce ne soit pas “by night” à la seule lumière des lampes frontales.
Il faut donc y aller maintenant car il est 18h, la tombée du jour est amorcée, et le village est à une petite heure de marche…


On n’échappera pas à l’épreuve de bravoure dans cette aventure.

Cette seule évocation met Estelle dans une colère noire ! C’en est trop pour elle.
Anthony, qui a beaucoup de mal à respirer avec ses deux narines obstruées, me fusille du regard, avant de prendre un air désespéré tel un condamné allant sur le bûcher en suppliant qu’on le gracie.

On est passé à deux doigts d’un “parenticide”….

De rage, Estelle s’enfourne un nouveau coton dans le nez, me prend des mains le dernier kleenex de l’avant-dernier paquet, arrache sa bouteille d’eau de dessous mon bras, avale sa pâte de fruit, met son sac sur le dos, et se met en marche toute seule, les mâchoires serrées…

Comprenant qu’il y a de l’électricité dans l’air, Jean-Baptiste attrape un de nos gros sacs à dos, et court derrière elle pour la rattraper et lui ouvrir le chemin. Depuis qu’il nous a rejoints, il ne fait que monter et descendre en trottinant et il n’est même pas essoufflé, alors que nous, au bout d’à peine 10 mètres de côte, nous n’en pouvons déjà plus !

Par endroit, la nature a repris ses droits : la piste est envahie par les herbes folles, les habitants ne l’ont pas défrichée après la saison des pluies. Et comme aucun véhicule ne passe par là, il n’y a plus aucun tracé sur la piste, il ne reste plus qu’un mince sentier pédestre. Sur certains tronçons de la piste, l’invasion des mauvaises herbes a été jugulée par des brulis. C’est tellement aride, et la végétation est tellement sèche, qu’on se demande comment toute la montagne n’est pas partie en fumée avec cette méthode ancestrale.

 
Chacun grimpe à son rythme. Le plus important est qu’on arrive tous en vie jusqu’à destination !
 
<< Esprit des Pierres, c’est encore loin Iwol ? >> 
 
 
Devant nous, Estelle cavale comme un mouflon : c’est fou comme la rage peut anesthésier ses douleurs au genou et transformer un diesel en turbo ! Elle ne daigne même pas se retourner quand on l’appelle, ni s’arrêter quand on lui demande de nous attendre.
 
Pour Anthony et moi, c’est beaucoup plus laborieux. Mais on résiste et on s’accroche comme on peut. De toute façon, on n’a pas vraiment le choix.

La nécessité des changements de coton dans les nasaux nous donnent une parfaite excuse pour faire une petite pause et reprendre notre souffle.
Avec le ventre vide, on manque de carburant. Moi j’ai de grosses réserves corporelles, c’est l’occasion rêvée de forcer mon corps à y puiser dedans. Mais Anthony, qui n’a pas beaucoup de chair autour des os, ne doit compter que sur l’énergie apportée par la dernière pâte de fruit ingurgitée. En plus, il meurt de chaud avec tous ces efforts, la déshydratation lui pend au nez.
Comme dirait sa sœur << il est au bout de sa vie… >>.

Pendant tout le trek, à chaque nouvelle côte gravie, je repense à la foreuse qui a été tractée par le bulldozer en passant par là. Je suis à la fois perplexe et encore plus impressionnée.
Les photos prises ne reflètent pas vraiment la réalité du pourcentage de certaines pentes (je n’ai pas pu toutes les photographier).

Philéas a d’ailleurs voulu en avoir le cœur net. A notre retour en France, il a trouvé et téléchargé sur son téléphone une appli de calcul de % de dénivelé. En mai 2015, quand il est retourné à Iwol, il a mesuré les passages les plus pentus. Résultat : certaines côtes dépassent les 25%… Une paille !

Paradoxalement, après avoir désormais parcouru cette fameuse piste par moi-même, j’ai encore plus de mal à croire qu’un convoi de plus de 30 tonnes ait réussi cet exploit ! Et pourtant, c’est une réalité…. bien qu’il ait fallu 7 jours !

Heureusement, il n’aura pas fallu autant de temps à notre petit convoi de globe-trotters estropiés.
Nous mettrons trois quarts d’heure pour atteindre le plateau au sommet de la colline peu avant 19h.

Le soleil, qui se couche à l’horizon à ce moment-là, fait encore plus ressortir les couleurs ocre. Le contraste est saisissant. Je trouve ce paysage irréel et magnifique.

C’est ma petite récompense au bout du chemin…

 
 
Bienvenue à IWOL ! 
 

 

 

Le temps est comme suspendu. Je sais pourtant pertinemment que la notion de temps est radicalement différente en Afrique. Mais chose très bizarre, c’est encore plus vrai ici, comme si on entrait dans une faille spatio-temporelle égrainant les heures sur un autre rythme. Le temps s’écoule lentement, mais en même temps on se sent happé et parfois débordé par les évènements, aussi minimes soient-ils. C’est difficilement explicable avec des mots.
Le mieux à faire pour s’adapter, c’est de lâcher prise…

Il se trouve que les saignements de nez ont cessé. Tout le monde en est grandement soulagé. Nous sommes surtout épuisés, lessivés, chaos, et de plus en plus couverts de poussière et de terre, carrément panés de la tête aux pieds. Je ne rêve que d’une chose : une vraie douche. Mais ça ne va pas être possible ce soir non plus…
Estelle a tellement tout donné durant ce trek qu’elle est toute rougeaude : ça tranche radicalement avec son teint diaphane habituel.
Anthony est vraiment “au bout de sa vie” pour le coup. Il a du mal à reprendre son souffle, il tient à peine debout, il n’en peut plus.
Philéas est crevé aussi, mais, fidèle à lui-même en SénéGaulois invétéré, il est avant tout content qu’on soit ici tous les quatre ensemble.

Quant au 4×4, il est toujours planté en bas de la piste. Aux dernières nouvelles, il n’a pas avancé plus. Il est carrément coincé car il ne peut même pas faire demi-tour : pas la place sur la piste, et puis on apprend qu’il y a un problème de frein moteur H.S. ?!?!? C’est rassurant pour la descente quand on repartira…

[…]
 
 
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récit complet de l’intégralité de notre aventure 
à lire (et regarder) en cliquant ici

 

–> pour comprendre “le pourquoi du comment” de la création d’une piste de 2,5 kms reliant Iwol à la vallée…

–> pour savoir comment un convoi de 30 tonnes a bien pu monter une foreuse à Iwol et pourquoi ça a duré 7 jours…

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