La Grande Mosquée de TOUBA, ville Sainte de la confrérie des Mourides au Sénégal.


Autant être honnête tout de suite : avant de partir vivre à Kaolack au Sénégal début 1994 avec Philéas (mon Homme qui allait y accomplir ses 16 mois de Coopération du Service National), ni lui ni moi n’avions jamais entendu parler de TOUBA et de sa Grande Mosquée.

Pourtant, cette mosquée compte parmi les plus grandes du continent africain. Avec près de 9 000 m2 de superficie pour une capacité d’accueil de plusieurs milliers de personnes, elle en impose. A l’origine, elle arborait plus d’une dizaine de coupoles ainsi que cinq minarets (symbolisant les cinq piliers de l’Islam), dont l’un, culminant à presque 87 mètres, est le plus haut d’Afrique de l’Ouest. C’est depuis son sommet que le Muezzin appelle à la prière au moyen de haut-parleurs si puissants qu’on peut l’entendre jusqu’à 5 kms à la ronde !

En arrivant en Terres Sénégalaises, nous ignorions donc tout de cette cité mystique.
 
Une fois digéré le choc ressenti en débarquant pour la première fois sur le continent africain, et seulement quelques semaines après avoir réussi à apprivoiser le dépaysement radical qui s’en est suivi, nous avons découvert l’existence de la mystérieuse Touba d’une manière totalement improbable… par une pénurie générale de poulets !
Un beau jour, impossible de trouver le moindre poulet nulle part, ni vivant, ni sur les étals du marché, ni même dans l’assiette au restaurant. Certes nous commencions à nous habituer à être confrontés en permanence à des situations qui semblaient étranges à nos yeux d’expatriés, mais qui ne l’étaient pas du tout pour les autochtones. Mais là, la disparition aussi subite que totale de la population des gallinacées locales, ça dépassait l’entendement. Pourtant, une fois de plus, nous nous étions quand même fait une raison… jusqu’au lendemain où, après la disparition des poulets, Kaolack était en arrêt sur image : pratiquement tous les commerces étaient fermés, il n’y avait presque personne dans les rues, la ville était comme désertée. Voulant en avoir le cœur net, nous étions alors allés manger chez Mazen, libanais de son état, un des rares restaurateurs ouverts de la ville, et en avions profité pour l’interroger sur le sujet. Sa réponse nous expliquait en partie le mystère, mais nous posait encore plus de questions :
« Tous les poulets ont été achetés pour faire des offrandes au Khalife ! Ils partent tous le voir. »
 
La surprise ne s’était pas arrêtée là. Car le dernier phénomène surréaliste qui avait fini d’attiser notre curiosité avait d’abord attiré nos regards stupéfaits. Alors que la ville s’était vidée de sa population, les routes étaient assaillies. Le trafic était devenu dense, il y circulait notamment une multitude de camions dont les énormes bennes étaient remplies à bloc de sénégalais entassés les uns contre les autres, ou carrément assis à califourchon en haut. Sur leur passage, on les entendait psalmodier à tue-tête des chants religieux.
Une innombrable foule semblait se diriger vers une même destination, que ce soit à pied, en charrette, en taxi brousse ou en car de brousse, dans ces camions, ou encore dans des trains spéciaux aux wagons bondés.
Cette impressionnante migration est le Grand Magal, mot wolof qui pourrait se traduire par commémoration. Il s’agit du pèlerinage annuel réunissant jusqu’à deux ou trois millions de Mourides (l’un des plus importants groupes religieux du Sénégal) convergeant avec ferveur et dévotion de tout le pays et du monde entier vers leur ville Sainte : TOUBA et sa Grande Mosquée. Ce rendez-vous, s’étalant sur trois jours, ne constitue rien de moins que le deuxième plus grand rassemblement de l’Islam après le pèlerinage de La Mecque.
 
Cette découverte nous avait fascinés. Nous ne pouvions pas passer à côté d’un évènement aussi important et aussi singulier. Mais nous avions été dissuadés de nous y rendre en plein Magal, car même si les non-musulmans y sont tolérés, l’immersion reste assez compliquée. Sans compter qu’autant de monde sur les routes puis concentré en un seul endroit peut s’avérer un peu risqué.
D’ailleurs, nous avions constaté par nous-même la quantité de faits-divers relatés dans la presse locale : l’afflux massif entraîne beaucoup de morts. Le jour de l’exode, le nombre d’accidents, dont la plupart mortels, explose. Beaucoup meurent aussi étouffés ou déshydratés au fond des énormes camions ou des wagons avant même l’arrivée en Terre Sainte. Pour ces pauvres malheureux, ça aura été leur dernier voyage…
 
Nous avions donc renoncé à nous y rendre à ce moment-là, le patron de Philéas nous ayant formellement interdit de prendre la route pendant cette période. Mais plusieurs mois après, nous y étions allés passer la journée.
Pour le voyageur de passage, la seule solution d’hébergement possible à proximité est le campement rustique « Le Baol » implanté à Mbacké, ville située à 8 kms avant Touba. Sinon plus loin, il existe des hôtels locaux à Diourbel (à 50 kms) puis à Kaolack (à 110 kms).  
 
 
Touba est une zone franche et une sorte de cité-État indépendante, si bien que quand on y arrive, même hors période de Grand Magal, on doit éteindre l’autoradio et faire systématiquement la queue à l’entrée de la ville pour être contrôlé par la milice locale : alcool, tabac et musique sont strictement interdits. Tolérance zéro. Des « gardiens » veillent au grain et sont un peu partout pour faire respecter les règles locales ; ils sont munis d’un fouet qu’ils n’hésitent pas à utiliser en cas de nécessité. Lors de ma propre visite, nous avions été discrètement suivis en permanence par l’un d’entre eux. Curieusement, je ne le voyais jamais marcher mais à chaque fois que je me retournais, il était là telle une ombre fantomatique, non loin de nous, à demi-caché derrière un pilier.
Pour visiter ce lieu sacré, et surtout pouvoir entrer dans la mosquée, un guide accompagnateur est obligatoire : s’assurer qu’il soit bien habilité (il doit avoir une carte officielle).
Le guide que nous avions à l’époque avait commencé par nous expliquer que le rêve de tout Mouride était de finir ses jours dans la ville Sainte. C’était la raison pour laquelle nous avions croisé autant de cercueils sur le toit de taxi-brousse en venant… Le commun des mortels pouvant rarement être enterré à Touba même, les défunts étaient emmenés jusque là-bas dans des cercueils « temporaires » pour y être bénits. Le plus insolite de l’anecdote restait à venir… Devant notre perplexité et notre interrogation sur le sort de l’intégrité des corps ainsi déplacés sous un soleil de plomb et par une chaleur implacable, le guide nous avait alors répondu :
« Chaque cercueil est rempli de blocs de glace. C’est pour ça que vous avez vu de l’eau couler sur les vitres des taxi-brousse. Il fait tellement chaud que la glace fond vite. ».
L’explication nous avait déconcertés et laissés sans voix…
 
La visite est annoncée gratuite, toutefois il faut s’acquitter d’une donation de 1 000 FCFA (≈1€50) par personne pour l’entretien général des lieux (prix payé en mai 2015). Et puis un pourboire au guide est de rigueur : en mai 2015, Philéas a donné 5 000 FCFA (≈7€60) pour trois visiteurs.
On doit se mettre pieds nus dès le gigantesque parvis entourant l’édifice, mais malgré les 40° ambiants (au plus chaud de l’année), les pavés de marbre restent étonnamment frais et on ne s’y brûle pas la plante des pieds, ce qui est très appréciable !
 
Depuis quelques années, porter une tenue adéquate est indispensable. Sur place, tout est prévu pour se mettre en conformité vestimentaire.
 
La mosquée titanesque est grandiose et magnifique. A l’intérieur, l’atmosphère qui y règne est très particulière, le temps se fige. Tout est propre et brille comme un sou neuf. Le style architectural est remarquable. 
 
 
 
La plus grande coupole de la mosquée abrite le tombeau du fondateur du Mouridisme : le chef spirituel Cheikh Ahmadou Bamba. Sous les autres coupoles se trouvent les tombeaux de ses fils ainsi que ceux de différents Khalifes (les grands « Marabouts »), les chefs spirituels qui se sont succédés après le décès de Cheikh Bamba en 1927. 
 

Leurs mausolées, interdits aux non-musulmans, sont ornés de marbre de Carrare et de feuilles d’or. 

La fontaine d’eau bénite est désormais également inaccessible aux non-musulmans.

 
La Grande Mosquée a été construite grâce aux seuls dons des fidèles. Le chantier titanesque débuta en 1932 au beau milieu de nulle part, aux portes du désert du Ferlo (à environ 200 kms à l’Est de Dakar), et se termina en 1963, année de son inauguration.
Mais l’édifice religieux est en perpétuelle évolution, et ce chantier permanent est toujours intégralement financé par les dons collectés en un temps record à chaque fois.
 
Lorsque j’y suis allée en janvier 1995, la mosquée était entourée de sable et de terre battue, ses murs étaient juste peints. Elle n’en était pas moins spectaculaire avec ses dimensions impressionnantes contrastant avec la modeste petite ville qui l’entourait.
 
Entre 1995 et 1998, de grands travaux de restauration ont été entrepris. Philéas a pu s’en rendre compte fin 2007 lorsqu’il y est retourné la première fois : la mosquée trônait fièrement au milieu d’un immense parvis de marbre, et tous les murs des bâtiments et des minarets avaient été entièrement recouverts d’albâtre et de marbre de différentes couleurs.
 
En 2013, une extension et deux minarets supplémentaires ont été construits, et encore deux autres sont actuellement en projet. La sonorisation a considérablement été amplifiée : le Muezzin peut désormais être entendu dans un rayon de 15 kms !
 
Lorsque Philéas y est de nouveau allé en mai 2015, les minarets d’origine et tout l’intérieur étaient en cours de réfection. Les infrastructures routières étaient en plein développement. La démographie locale a explosé portant la population à plusieurs centaines de milliers d’habitants.
 
Cette boulimie de grands travaux n’a qu’une seule raison : la Grande Mosquée de Touba se rêve être la jumelle africaine de Médine.
 
Bon, et bien il ne me reste plus qu’à y retourner à mon tour pour constater de mes propres yeux combien elle s’est embellie depuis ma dernière visite au siècle dernier

 

Photos prises en novembre 2017 :

 

Dernières photos en date, prises en janvier 2023 :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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