[ #HistoiresExpatriées ] La (barrière de la) langue…

 

https://occhiodilucie.com/
 
(édition n°806/2018)
(avec pour marraine Estelle, qui a été expatriée en Australie)

Thème proposé

LA LANGUE

 
~⟴~⟴~⟴~⟴~⟴~⟴~⟴~⟴~

 

Cela fait bientôt 60 ans que le Sénégal a obtenu son indépendance, après trois siècles de colonisation française, et pourtant de nos jours encore, la langue officielle est toujours le français.

L’explication se cache très probablement derrière un nom : Léopold Sédar Senghor, emblématique premier président (de 1960 à 1980) père de l’indépendance sénégalaise, écrivain et poète émérite reconnu, ardent défenseur de la francophonie et premier Africain à devenir un “immortel” en entrant à l’Académie Française en 1983.

Paradoxalement, bien que le français ne soit plus du tout compris par une partie de la population, il reste incontournable. En tout cas officiellement… c’est-à-dire d’un point de vue administratif, dans les médias, le monde des affaires, et aussi dans le milieu scolaire puisque la langue de Molière est obligatoirement enseignée à l’école dès l’entrée en primaire à l’âge de 6 ans. 
Avant la scolarisation, la langue maternelle n’est pas le français.
Dans les faits, chacune de la vingtaine d’ethnies peuplant le Sénégal a sa propre langue. Ainsi, suivant la région où l’on se déplace, on entendra parler par exemple wolof, sérère, poular, diola, mandingue, soninké, bambara, bédik, etc.

La langue qui titille les oreilles lorsqu’on débarque au Sénégal, c’est le wolof, parlé et compris par une majorité de la population, ainsi que dans bon nombre de régions des pays frontaliers.
Youssou N’Dour la chante.
De plus en plus de médias audiovisuels locaux l’utilisent.
Les sermons religieux (musulmans comme chrétiens) sont bien souvent dispensés en wolof.
Avec l’ère d’internet, les réseaux sociaux contribuent à répandre et généraliser son usage courant.

Bref, depuis quelques années, le wolof, déjà élevé au rang de langue nationale, étend sa suprématie pendant que la pratique de la francophonie dans la vie de tous les jours aurait plutôt tendance à nettement reculer.

Être parachutés dans un pays francophone lors de notre parenthèse expatriée a été un réel soulagement pour nous. Il faut dire que le choc culturel a tellement été radical que pouvoir parler et se faire comprendre en français a supprimé une difficulté à nos difficultés.
 
Bien que je travaillais dans un milieu exclusivement sénégalais (patron, collègues, clientèle), je me suis heurtée à la barrière de la langue. Je ne suis jamais parvenue à la pratiquer ni même à la comprendre. Tout au plus, je parvenais à reconnaître que j’entendais du wolof
Lors d’une des missions de mon boulot là-bas, je m’étais occupée des budgets et de la comptabilité d’une des branches d’activités d’une Organisation Non Gouvernementale (qui avait fait appel aux services de mon patron d’alors). L’un des projets de cette ONG, dans le cadre de son programme d’alphabétisation, était de faire éditer et promouvoir des manuels scolaires pour permettre d’apprendre aux enfants à écrire le wolof qui n’a été qu’une langue orale pendant longtemps. En effet, jusque dans les premières années de l’indépendance du pays, ce dialecte n’avait pas de codification alphabétique.
Pouvoir avoir accès à ces livres aurait dû être une opportunité supplémentaire pour m’imprégner de la langue. Mais elle me paraissait tellement complexe et inaccessible que j’ai été lamentablement hermétique jusqu’au bout…
 

 
 

La pratique francophone a donc été un confort considérable. Cela a sans aucun doute bridé toute réelle volonté d’apprentissage… Comme ce n’était pas absolument nécessaire, je suis passée complètement à côté de ce pan important de l’expatriation, je le confesse bien volontiers.

 
Toutefois, j’ai gardé en mémoire quelques petits mots basiques appris. Rien de suffisant pour discuter vraiment, juste de quoi engager une conversation et la ponctuer. C’est toujours apprécié par les sénégalais qui, de leur côté, manient habilement le “frangalais” ou “franlof”, subtil mélange de wolof et de français, saupoudré d’expressions très locales.
J’appréciais leurs “sénégalaiseries”, comme par exemple : aller se baigner qui signifie se laver ; le long pour désigner une personne de grande taille, et inversement le court pour nommer un petit ; la bitik pour le petit commerce, la boutique ; il voyage pour dire que quelqu’un est juste absent pour plus ou moins longtemps ; une disquette qui est une minette coquette aimant attirer tous les regards ; le second bureau qui est l’amant/la maîtresse.

En guise de conclusion, je livre ci-dessous un mini lexique très sommaire. Cela pourrait être utile à ceux qui envisageraient d’aller découvrir le Sénégal un jour ou l’autre ?.

 
Avant mes quelques bribes de wolof, je commence par les deux/trois seuls mots que je connaisse en diola (dialecte de la Casamance, au Sud du pays) et en bédik (dialecte d’une des minorités ethniques du Sénégal Oriental). C’est mieux que rien.

Ne connaissant que la “version orale”, je ne peux donc que retranscrire phonétiquement.

 
diola 
kassoumaïe ? (ça va ?)
kassoumaïe kep (ça va bien)
 
bédik 
améké (bonjour)
anélangal (merci)
anélangal chobé (merci beaucoup)
 

wolof
salamalékoum (bonjour) ce à quoi on répond malékoumsalam
nangadèf ? (comment ça va ?) / manguifi (ça va) / manguifi rek (ça va bien)
anawakeurgué ? (comment ça va chez toi, la famille ?) je ne me souviens plus comment on répond… je me rappelle juste que “keur” veut dire maison/foyer.
ouahou (oui) / dédète (non)
diérédieuf (merci)
niokobok (de rien, pas de quoi)
manguidem (je m’en vais, dans le sens de “au revoir”)
kaïfi (viens ici)
atcha (va-t’en)
baïma (laisse-moi, plutôt dans le sens “fous-moi la paix”)
am (tiens)
amna (il y a)
amoul (il n’y a pas)
amoul solo (pas de problème) = HAKUNA MATATA ?
graoul (c’est pas grave)
niofar (on est ensemble)

《 amoul solo, graoul, niofar ! 》 est un parfait résumé de la philosophie adoptée par les sénégalais pour “encaisser/digérer” les aléas de la vie. On devrait s’en inspirer plus souvent…

barna (c’est bon, dans le sens “c’est ok”)
baroul (c’est pas bon, dans le sens “c’est pas ok”)
bi (ça, ceci, cela) 
dara (rien) 
denga wolof ? (tu comprends/parles le wolof ?) / toutirek (un petit peu) / dégouma wolof (je ne comprends/parle pas le wolof)
raliss (argent) / amoul raliss (pas d’argent) 
taftaf (tout de suite, vite)
bougnoul (ce qui est noir) / bouress (ce qui est blanc) 
inshallah (si Dieu le veut)  
alamdoulilahi (grâce à Dieu)  
mbourou (pain)  

tiepboudiène (riz au poisson, le plat national sénégalais)  
leuk (lièvre) 
bouki (hyène) oui, je sais… mot pas très utile, mais je m’en souviens !
gouigui (baobab) 
niata ? (combien ça coûte ?) 

Je termine par les chiffres. 
La particularité du système numérique sénégalais est qu’il faut compter par lots de 5. Ce qui donne 1, 2, 3, 4, 5, puis 6 c’est 5 et 1, 7 c’est 5 et 2, 8 c’est 5 et 3, 9 c’est 5 et 4. Puis 10 arrive suivi de 11 qui est 10 et 1, 12 qui est 10 et 2, et ainsi de suite.
Là où ça se complique un tantinet, c’est que pour donner les prix, on ne compte pas tout-à-fait pareil… L’unité de base est 5 francs CFA qui se dit dérèm. Tous les montants découlent de ce système en base 5.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Une petite gymnastique d’esprit s’impose donc (et éventuellement deux cachets d’aspirine), chose qui ne semblait pas forcément naturelle pour les autochtones lorsque l’on vivait au Sénégal. Philéas (mon Homme) s’amusait d’ailleurs avec ça. Quand l’occasion se présentait, il annonçait les chiffres en wolof, à la stupéfaction de son interlocuteur qui ne s’y attendait pas du tout de la part d’un toubab… Systématiquement, la personne s’embrouillait les pinceaux et demandait rapidement à compter en français car ça lui était plus facile. Un comble !
Vous êtes prêts à jongler ?

ben (un)
niar (deux)
nièt (trois)
niente (quatre)  
diouroum (cinq)  
diouroum ben (six)  cinq (diouroum) / un (ben) = 6
diouroum niar (sept)  cinq (diouroum) / deux (niar) = 7
diouroum nièt (huit)  cinq (diouroum) / trois (nièt) = 8
diouroum niente (huit)  cinq (diouroum) / quatre (niente) = 9
fouk (dix)  
fouk ak ben (onze)  dix (fouk) et un (ben) = 11
fouk ak niar (douze)  dix (fouk) et deux (niar) = 12
niar fouk (vingt)  deux (niar) / dix (fouk) = 20
niar fouk ben (vingt-et-un)  deux (niar) / dix (fouk) / un (ben) = 21
nièt fouk (trente)  trois (nièt) / dix (fouk) = 30
témère (cent)
diouni (mille, mais aussi 5000 francs CFA)  
dérèm (5 francs CFA) 
niar dérèm (10 francs CFA) 2 (niar) x 5 (dérèm) = 10 FCFA 
fouk dérèm (50 francs CFA) 10 (fouk) x 5 (dérèm) = 50 FCFA
témère dérèm (500 francs CFA) 100 (témère) x 5 (dérèm) = 500 FCFA

A vous de jouer maintenant ! Bon courage ?…

 
~⟴~⟴~⟴~⟴~⟴~⟴~⟴~⟴~

 

Toutes les autres participations abordant ce thème sont listées en fin d’article ici.

 

 

4 Comments on “[ #HistoiresExpatriées ] La (barrière de la) langue…

  1. Super cette vidéo !!! Merci de l'avoir signalée Lucie. En effet, elle explique super bien les bizarreries des irréductibles gaulois. C'est vrai que quand on apprend à l'école le français, on ne se rend pas du tout compte de la difficulté de notre langue si tarabiscotée et bourrée d'exceptions tordues

  2. Je crois que si ma langue me permettait de me faire comprendre je n'aurai pas fait l'effort non plus d'en apprendre une autre ! D'autant que le wolof a l'air effectivement assez compliqué…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *