Le jour (tant redouté) du départ et l’arrivée (surréaliste) à Dakar…

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Au programme cette fois-ci pour nos “petits” aventuriers : découverte de la Casamance (région tropicale au Sud-Ouest) et du Sénégal Oriental (région au relief vallonné au Sud-Est), avec comme objectif : aller jusqu’à IWOL pour voir de nos propres yeux ce fameux forage et tester sa pompe… 
 

 

Ce voyage “en terres (presqu’)inconnues” aura été vraiment plus intense que le précédent.
– D’abord parce qu’il aura duré deux semaines, avec la seconde semaine franchement costaud niveau aventure (quel doux euphémisme) !
– Ensuite parce que, cette fois-ci, il aura été itinérant et nous aura fait parcourir de grandes distances : en bateau et surtout en taxi-brousse sur les indescriptibles routes et pistes chaotiques écrasées de chaleur sillonnant le Sénégal. On aura traversé deux fois tout le pays, d’abord au Sud (d’Ouest en Est), puis d’Est en Ouest en remontant jusqu’à Dakar pour le retour.
– Et enfin parce qu’il nous aura poussés à nous surpasser et même à carrément atteindre nos limites… en tout cas en ce qui nous concerne Estelle, Anthony et moi ! Car évidemment Philéas, lui, est plus que rompu à ce genre de trip-aventure depuis longtemps !!!

 
Lundi 22 décembre 2014 : jour tant redouté du départ… Je dis “jour tant redouté” car il faut bien avouer que le stress et l’angoisse étaient à leur paroxysme pour tout le monde !
– Estelle et Anthony nous détestaient, tellement ils étaient angoissés depuis des mois par les épidémies d’Ebola en Guinée, et de terroristes fanatiques au Mali, deux pays voisins dont nous allions approcher les frontières…
– Philéas était stressé et extrêmement contrarié par l’idée de se voir contraint d’annuler au dernier moment ce voyage auquel il songeait depuis… notre retour du précédent en 2010, voyage qu’il avait longuement et minutieusement préparé durant l’année écoulée, et qu’il attendait avec l’impatience d’un prisonnier attendant le jour de sa libération…
– Et moi, je faisais bonne figure pour “calmer le jeu” et tenter d’apaiser (sans grand succès) les tensions de plus en plus palpables, mais en réalité j’étais prise en étau (pour ne pas dire en otage…) entre le stress et les angoisses des uns et des autres, et mes propres appréhensions irrationnelles et irraisonnées de tout…
 
BREF, malgré le contexte pas vraiment favorable et l’ambiance pesante en découlant, après un dernier conseil de famille houleux, nous avons finalement décidé de partir quand même.
La plongée dans cette nouvelle expédition SénéGauloise a commencé dès notre arrivée à l’aéroport de Barcelone…
La veille, j’avais préparé en secret une petite mise en scène imaginée avec Philéas, histoire de motiver et stimuler la curiosité de nos troupes qui partaient à reculons vers l’inconnu…. oui, parce qu’en réalité, nos rejetons ne savaient pas très précisément ce qui les attendait…
 
Une fois la voiture garée, et les sacs à dos posés par terre sur le parking, nous présentons la “surprise” à nos “Desperate Children” :

 

 《 (moi) –  Alors voilà : en ce moment précis, les habitants d’un petit village Bédik niché au sommet d’une colline du fin fond du Sénégal, préparent pour nous une grande fête traditionnelle où les masques seront de sortie. On passera le réveillon du jour de l’An parmi eux à Iwol. Ils nous attendent depuis des mois…
 
(Anthony) – pitié Maman……………….  
 
[Notre progéniture se décompose à vue d’œil].
 
(Philéas) – chacun prend son sac à dos et le pose devant lui.
 
(Estelle et Anthony) – pfffffff

 

(moi) – donc on vous réserve quelques petites surprises durant ce voyage. Et la première, c’est qu’on vous a préparé une aventure s’inspirant un peu de Pékin Express. Évidemment, on l’a appelée : “IWOL Express” !
 
[Estelle fait la gueule, limite bavant de rage. Anthony est au bord des larmes.]
 
(Philéas) – Voilà vos dossards autocollants à mettre sur vos sacs à dos...

 

(moi) – …et ça, c’est votre pochette pour l’aventure. Ne surtout pas la perdre !!! Dedans, il y a les cartes des régions qu’on va explorer avec les endroits où on ira, l’équivalent en Francs CFA d’un euro par jour et par personne, et puis les planches de dessins des animaux qu’il faudra réussir à observer pendant le safari-photos dans le Niokolo Koba.
 
[séance photos pour immortaliser la scène. On aurait dit qu’on réalisait une “preuve de vie” pour réclamer une rançon en échange de la libération des otages !!!]
 
(Anthony) – Mais Maman, comment je vais faire pour me déplacer ???? Je suis incapable de faire du stop tout seul moi !!!!
 
(Philéas) – Rassure-toi, on sera toujours tous les quatre ensemble. Et puis il n’y aura qu’une seule fois où on devra se débrouiller pour trouver un moyen de transport pour se déplacer. Le reste des trajets, j’ai tout prévu à l’avance.
 
(Estelle) – Encore heureux ! Et qu’est-ce qu’on va devoir subir encore pour cet Iwol Express ???
 
(moi) – alors…. euh…. comment dire…. autant vous y préparer psychologiquement : il y aura des épreuves physiques, dont le trek final. Et puis on va bivouaquer pendant trois jours au milieu des animaux dans le Parc du Niokolo : dodo par terre sous la tente, pique-nique et pas de douche… Sinon, pour l’épreuve de dégustation, pour vous ça va être un peu tous les jours hein… On ne vous demande pas de vous régaler, mais va falloir se nourrir ! BON mais avant tout ça, Papa vous a concocté quelques jours au bord de l’océan où le seul programme de la journée sera plage/farniente/repos/détente. Je pense que vous allez au moins apprécier votre premier Noël en maillot, au soleil, les pieds dans le sable !
 
(Philéas) – Allez hop, on y va maintenant ! Vous verrez bien ce qui vous attend… 》

 

 

 
Derniers contacts avec la civilisation occidentale, dernières sucettes bourrées de sucre (dernières volontés des condamnés…) avant de décoller pour cette nouvelle aventure dans la quatrième dimension Sénégalaise !!!
 
 
Barcelone / Madrid  — escale —  Madrid / Dakar. 
On arrive à Dakar vers 21h (heure locale) comme prévu. Pas de retard, c’est cool. On savait qu’on devrait être patient avec toutes les formalités, dont le fameux visa-usine-à-gaz mis en place en 2014 (et supprimé en mai 2015). Mais là, ça aura été au-delà des prévisions les plus pessimistes… Car après avoir été assailli à la descente de l’avion par les traditionnels escadrons de moustiques affamés, un joyeux bordel attendait tous les passagers.
 
Une première queue sur le tarmac, pour attendre les bus devant nous emmener jusqu’au hall des débarquements. On a joué des coudes pour s’incruster dans le premier qui s’est enfin présenté ; ça aurait été plus rapide d’y aller à pied…
 
Une deuxième queue pour pouvoir entrer dans le bâtiment des arrivées. Nous sommes accueillis par des écrans géants diffusant en boucle des images gores des ravages d’Ebola. Mise en condition super rassurante !!!
A l’intérieur, pas de clim, pas de ventilateurs ; la chaleur est telle que nous nous liquéfions presque instantanément et nos visages rougissent tels des homards ébouillantés. Nous sommes tous agglutinés les uns contre les autres, ce qui n’arrange rien à nos systèmes naturels de régulation thermique qui ont basculé en mode S.O.S./alerte rouge. Certains touristes sont au bord du malaise. Estelle et Anthony supportent eux aussi difficilement ce changement de climat. Moi, j’hallucine devant le spectacle qui s’annonce.
 
Une troisième queue nous attend, celle de la prise de température… oui… je rappelle qu’on est au plus fort de l’épidémie d’Ebola, et la prise de température est obligatoire… Deux malheureuses sénégalaises (en charge de tous les avions qui venaient de déposer leurs centaines de passagers sur le tarmac), masque chirurgical sur le visage, mains munies de gants en plastique bleu par lesquels ruisselle leur sueur, tendent nonchalamment leur thermomètre frontal vers chacun d’entre nous. Vue la chaleur ambiante et le réchauffement inquiétant de nos corps, nous craignons que beaucoup ne partent directement en quarantaine, sans passer par la case “vacances au soleil” ! Heureusement, nous passons l’épreuve sans encombre, mais sans avoir réussi à (sa)voir si le thermomètre avait des piles et marchait vraiment…
 
Une quatrième queue pour accéder aux formalités liées au nouveau visa biométrique ! Et là, le temps s’arrête… ça n’avance pas d’un pouce. Les guichets électroniques tombent en panne les uns après les autres ! Les esprits commencent à s’échauffer dans la salle, et c’est à celui qui parviendra à faire le forcing en avançant dans la queue en grillant une place ni vu ni connu. Sans compter tous ceux qui se sont crus plus malins que les autres mais se rendent subitement compte qu’ils se sont trompés de file et attendaient pour rien à celle du paiement du visa.
Une équipe de l’aéroport arrive en renfort pour contenir la foule qui s’impatiente. Notre délivrance est aussi inespérée qu’inattendue : Anthony ! Eeeeh oui, il est encore considéré comme un enfant !!! Une femme du staff, moulée dans un tailleur beaucoup trop petit dont les coutures menacent de lâcher au moindre mouvement brusque, s’approche d’un pas autoritaire en levant son talkie-walkie. Elle attrape une famille avec deux jeunes gosses et les fait passer devant tout le monde. Un bruit sourd de protestations s’élève dans la salle, mais de notre côté, nous voyons plutôt poindre une lueur d’espoir… Et nous avons eu raison car lorsque la dame revient vers notre file d’attente d’un pas déterminé, elle repère Anthony qui baille aux corneilles la mine déconfite. Elle tend son talkie-walkie vers nous pour nous intimer l’ordre de passer immédiatement sous les cordes de séparation. Nous la rejoignons ni une ni deux, sans faire cas des protestations qui s’amplifient dans la salle surchauffée ! Et nous passons à l’un des deux uniques guichets pas encore tombés en panne. Contrôles des passeports, des papiers de “pré-enrôlement” et de paiement des visas (dont les formalités ont été faites en France, sur un site internet où il nous a fallu une bonne heure pour remplir nos quatre malheureux dossiers et obtenir leur numéro de validation), puis prises de photos, prises d’empreintes (《 présentez le pouce droit, le pouce gauche, l’index droit, l’index gauche….》  etc, etc, chacun à tour de rôle…), vérification de l’adresse de destination au Sénégal, et nous voilà enfin avec nos autorisations d’entrée sur le territoire !
On cavale vers la salle suivante, pensant devoir faire une nouvelle queue au Bureau de la Police des frontières. Mais on voit des gens qui passent devant sans s’arrêter, alors du coup on zappe aussi… Personne ne nous dit rien. On avance sans se retourner et en accélérant le pas.
 
Cinquième queue : les bagages ! Avec le temps qu’on aura mis pour arriver jusqu’aux tapis, on pensait qu’ils seraient déjà là et qu’on n’aurait qu’à les récupérer. Et bien non ! Il aura fallu encore attendre longtemps avant de voir nos sacs à dos arriver. Sauf qu’on ne s’était pas rendu compte que Philéas n’était plus avec nous. On a les sacs, mais on n’a plus le Père ! Impossible de le trouver au milieu de cette foule. Vent de panique…
Pendant ce temps, sans nous prévenir, Philéas s’est éclipsé au fin fond de la salle bondée où les gens se bousculent nerveusement au bord des tapis. Pour gagner du temps, il est allé s’occuper de faire du Change. Une femme en boubou, à moitié endormie, est enfermée dans une minuscule baraque vitrée, tel un poisson rouge dans son mini aquarium. Ce n’est pas un guichet, il faut rentrer avec elle dans le bocal. Là, elle est assise, avachie au milieu de tas de billets posés en vrac comme ça, par terre, ou sur des planches ou des sacs. Aucun coffre-fort, ni caisse. La scène est surréaliste !!! On se demande comment c’est possible qu’elle ne se fasse pas braquer. On se demande surtout comment elle peut respirer dans ce bocal surchauffé, aussi étroit, confiné et dont l’air empeste l’odeur puissante et entêtante des Francs CFA… Une précision s’impose à ce propos pour qui n’a jamais eu entre les mains ces billets. Ils ne sont pas franchement très nets (pour ne pas dire carrément dégoûtants) : ils sont entièrement recouverts d’un nappage des couches de crasse accumulées depuis leur mise en circulation, ce qui entraîne des émanations odorantes à la limite du supportable parfois. Petite anecdote : lorsque nous vivions là-bas en 1994/1995, la première fois que Philéas a ouvert l’un des coffres-forts remplis de billets, l’odeur qui en était alors sortie était si forte qu’il a failli faire un malaise.
 
Dernière queue : la Douane. On doit poser chaque bagage sur un tapis roulant qui passe dans un grand scanner à rayons X. On s’exécute et on passe à tour de rôle sous le portique. De l’autre côté, stupéfaction : en réalité, le scanner n’est pas branché, il ne fonctionne pas (d’ailleurs, a-t-il déjà fonctionné un jour ? En tout cas pas depuis 2007, lors du premier retour de Philéas en terres Sénégalaises). L’écran de contrôle est éteint, et pourtant un mec en uniforme est assis devant et le fixe scrupuleusement comme s’il inspectait consciencieusement le contenu de chaque valise… On hallucine ! Mais on ne cherche pas à comprendre, c’est la quatrième dimension sénégalaise…
 
Entre le moment où on aura posé le pied sur le tarmac et le moment où on aura récupéré nos bagages, trois longues heures se seront écoulées ! Et encore, heureusement qu’Anthony nous aura servi de coupe-file…
 
Nous voilà donc sortis de l’aéroport, mais le chauffeur qui devait nous récupérer n’est pas là (on saura plus tard qu’il s’est trompé d’horaire, malgré les 3 heures qu’il nous aura fallu pour sortir de l’aéroport). On reste donc planté en plein milieu, en pleine nuit, comme des paumés, et on se fait assaillir par une meute de “taxi-man”, tous plus malins et filous les uns que les autres pour hameçonner les touristes naïfs fraîchement débarqués.
Parmi ces redoutables loustics, il y en a un qui a sournoisement entendu le prénom de Philéas quand on l’a appelé, et il est arrivé vers lui en le saluant comme s’il le connaissait de longue date :
《 Aaaaah Philéas mon ami, tu es arrivé. On y va ? Je t’emmène où cette fois ?
– Hein ? Je ne te connais pas moi ! (il le dévisage pour tenter de le reconnaître, mais il fait trop sombre et il n’y arrive pas)
– Comment donc ? Tu te rappelles pas de moi ? 》.
Après d’autres petites péripéties pour le transfert nocturne rocambolesque (et très aventureux…) depuis l’aéroport, nous avons réussi à rejoindre l’auberge où nous avions réservé. Vue l’heure tardive de notre arrivée, à l’accueil il n’y avait que le gardien qui parlait et comprenait à peine le français. La réservation avait mal été interprétée et ils nous avaient mis dans des chambres séparées et éloignées : ça faisait trop d’un coup pour Estelle et Anthony…  Après quelques coups de fil et le retour du “responsable de nuit” (celui qui, en fait, nous attendait à l’aéroport au même moment !), nous avons finalement passé notre première (très courte) nuit tous les quatre ensemble, dans un petit dortoir de trois lits superposés. Douches et toilettes communes à tout l’étage. Il en faut peu pour être heureux.. et soulagés de pouvoir enfin se coucher à 1h du mat’, tous épuisés !

[…]

 
 
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récit complet de l’intégralité de notre aventure 
à lire (et regarder) en cliquant ici

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