TOUT aura été mémorable à Iwol, même les adieux et la redescente (à pied) de la colline !!!

 

[…]

 

Nous achevons notre grande virée par la montée (une de plus) jusqu’à l’église (photo ci-contre).

 

 

Puis on grimpe (encore) tout en haut de la colline, jusqu’à l’école devant laquelle quelques jeunes jouent au foot.
Là, un nouveau choc des cultures frappe nos petits aventuriers. Estelle et Anthony hallucinent quand ils découvrent les lieux. L’école d’Iwol évoque un peu la cabane en paille des trois petits cochons… Elle se résume à deux cahutes bringuebalantes posées à même la terre, ouvertes aux quatre vents et soumises aux intempéries. A l’intérieur, c’est le dénuement total, il y a moins que le stricte nécessaire.
Deux instituteurs officient pour la cinquantaine d’enfants scolarisés ici, répartis en deux classes (de l’équivalent du CP jusqu’au CM2).

 

Pour les enfants de chez nous, devoir aller à l’école est la plupart du temps vécu comme une contrainte.
Pour les enfants d’ici, la contrainte c’est la corvée d’eau et du pilage du mil pour les filles, la corvée des récoltes pour les garçons. Pour ces enfants isolés du monde, pouvoir aller à l’école est une opportunité à saisir.

Voir comment ça se passe ailleurs est toujours très instructif ! Nos rejetons mesurent bien la chance qu’ils ont de vivre là où ils sont nés…

Après cette nouvelle leçon sur la théorie de la relativité, il est l’heure d’aller faire nos sacs et se préparer à partir. Encore faut-il savoir retourner jusqu’à chez Jean-Baptiste !!!
<< Allô Esprit des Pierres ? Si tu es là, ce serait très sympa de nous indiquer le chemin. Merci !!! >>>
Pas de GPS sous le coude… De toute façon, Iwol n’apparaissant pas sur les cartes, le GPS ne nous servirait pas à grand-chose, il ne ferait que nous rabâcher :
<< Connexion perdue. Tentative de reconnexion en cours. Attention, zone non cartographiée. Dès que possible, faites demi-tour ! >>

La vue depuis l’école est panoramique, on surplombe tout le village. Une aubaine car on “reconnait” le grand rônier indiqué par Jean-Baptiste pour nous repérer !!! On parvient ainsi à retrouver le chemin facilement.
Après un dernier passage chez les asticots, on distribue les photos et on donne les fournitures scolaires apportées.

Puis une fois toutes nos affaires remballées, nous redescendons jusqu’au 4×4 garé à l’ombre du grand baobab sacré. Beaucoup de villageois sont là pour assister à notre départ.
Je croise les doigts pour que le camion ne tombe pas en panne avant la fin de notre trip. J’espère aussi qu’il va pouvoir descendre la colline sans encombre

Estelle et Anthony montent direct dans la cabine, se vautrent sur la banquette arrière et refusent catégoriquement d’en bouger. Ils sont assaillis par tous les gosses surexcités qui grimpent de tous les côtés pour les observer. Ils ferment les vitres et tentent de se “cacher” en s’enfonçant leur casquette sur la tête et en mettant leurs lunettes. Ils saturent, ils ont chaud, ils sont fatigués, ils en ont marre, ils veulent partir.

Mais avant, il faut quand même que j’aille tester cette fameuse pompe par moi-même ! J’avais dit que je dégusterai l’eau du forage pour trinquer à la réussite de cet incroyable projet, mais finalement je préfère renoncer vu l’état de détresse de mes tripes. C’est plus raisonnable.
On se contentera de remplir les 2 petites fioles qu’on a fait suivre pour prélever un peu d’eau en souvenir.

 

Il nous reste à distribuer les ballons aux enfants qui s’agglutinent de plus en plus, telles des mouches, contre les vitres fermées. Je ne voudrais quand même pas que mes loustics meurent cuits à l’étouffée dans le camion. Je demande un peu d’aide pour faire éloigner la marmaille et en profite pour monter boire un coup dans le 4×4. Je propose alors à Anthony de venir participer à la distribution, en guise d’au revoir, mais il refuse tout net.

Du coup, c’est Philéas qui s’y colle.
Pas plus tôt il sort le premier sachet de ballons que c’est l’émeute ! Les gosses se jettent sur lui en criant :
<< Donne-moi “l’gonflé” ! Donne-moi “l’gonflé” ! >>

Ils se disputent pour attraper le bout de plastique. Tous les coups sont permis. Certains se l’arrachent furieusement des mains ou de la bouche et partent en courant, avec le gamin dépossédé hurlant à ses trousses.

 

La distribution aura été fulgurante, en quelques secondes, tous les sachets sont vides.
En quelques secondes aussi, beaucoup de ballons leur auront déjà éclaté à la gueule.
Certains ne parviennent pas à le gonfler puis à faire un nœud, surtout les plus petits. Ils s’époumonent en soufflant en vain dedans. Comme ils n’ont pas compris qu’il faut pincer le bout pour empêcher l’air de ressortir immédiatement, à chaque nouvelle inspiration prise, j’ai une peur bleue qu’il y en ait un qui l’avale et s’étouffe avec. Au bout de quelques tentatives infructueuses, ils renoncent et s’approchent de nous en tendant leur “gonflé” pour qu’on les aide.
Et là….. Une épreuve inattendue (ni souhaitée) “d’immunothérapie” s’annonce dans notre Iwol Express… Aucun effort physique à fournir, tout est dans le mental…
Quand Estelle et Anthony comprennent le but du jeu, ils déclarent forfait illico, referment les vitres du 4×4 et se planquent derrière la banquette.

Presque tous les petits ont les narines farcies, débordant et dégoulinant de morve. En Afrique, rien d’anormal à ça. C’est la méthode naturelle du corps pour “filtrer” et empêcher les agents pathogènes de coloniser et infecter la sphère ORL. On pourrait en faire un slogan sanitaire :

« Mucus dans les nasaux
protège des rhinos »

L’hyper-ventilation nasale, occasionnée par les multiples et vaines tentatives de gonflage, n’a fait qu’accentuer encore plus l’expulsion des abondantes sécrétions virulentes. Ils ont le nez, les joues, la bouche et le menton copieusement nappés.
Quand ils enlèvent le ballon de la bouche pour nous le tendre, un magnifique filet de morve gluante y reste collé, reliant la narine à l’embout.
La force mentale m’abandonne. Je me porte pâle à mon tour, incapable de surmonter mon dégoût.
Je laisse Philéas gérer tout seul la situation. Ses yeux en disent long sur ce qu’il pense aussi… Il essaie d’essuyer l’embout du ballon (ce qui contamine au passage sa main et son tee-shirt déjà sales) puis tente une feinte en soufflant “de loin” pour éviter tout contact labial. Sauf que ça ne sert strictement à rien. Alors, prenant son courage à deux mains, comme il a l’habitude de le faire à chaque fois qu’il vient à Iwol, il se met à gonfler les ballons à la chaîne, devant les petits qui dansent de joie devant lui. Mais Philéas-l’expert-routard a aussi ses limites…. et sa bonne étoile qui va le tirer de ce mauvais pas, car soudain…

<< Esprit des Pierres, serait-ce toi ? >>

Non… C’est Jean-Baptiste qu’on voit arriver presque affolé. Il dévale la pente jalonnée de caillasses en courant à grandes enjambées avec ses inséparables bottes de sept lieues en caoutchouc aux pieds :
<< Attendez encore un peu avant de partir ! Je vais vous chercher du fonio et une poule pour rapporter chez nous. J’ai pas réussi à l’attraper. >>
L’attraper ? Ce qui veut donc dire qu’elle est vivante ? Je manque de m’étouffer en entendant ça. Le convoyage de volatile n’était pas vraiment prévu au programme de notre aventure !!!
Philéas se tourne vers moi et marmonne discrètement dans sa barbe :
<< Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire de cette poule ? Le mieux c’est qu’on la donne au guide et à Spaghetti. >>
Je ne suis pas très favorable à l’idée d’adopter cette pauvre poulette :
<< Euuuuh…… je ne voudrais pas casser l’ambiance, mais je tiens à te rappeler que si on embarque la poule, il va falloir lui boucher le cul pour pas qu’elle chie partout dans le 4×4 !!! Qui la prend sur ses genoux et prête son doigt pour ça ??? Certainement pas moi ! >>
Philéas, embarrassé, tente de lui expliquer que ça ne va pas être possible…
<< Jean-Baptiste, ça nous touche beaucoup, vraiment, mais on ne peut pas accepter. On est limité en poids dans l’avion et on est déjà surchargé. On ne va pas pouvoir ramener la poule non plus, les volailles sont interdites dans l’avion… >>

Mais Jean-Baptiste insiste :
<< Mais vous n’aurez qu’à la bouffer avant de rentrer en France ! Attendez-moi, je remonte la chercher. Quelqu’un arrive pour vous apporter le sac de fonio. >>

Il est déjà midi passé, et il nous faut partir, sinon le pique-nique de mi-journée va finir par devenir le goûter si ça continue.
On attend en faisant une séance photo des “au revoir et à bientôt” (ce serait plutôt “adieu” pour les marsupilamis et moi). Le “quelqu’un” arrive enfin avec un sac de 5 kg (!) de fonio et nous informe que Jean-Baptiste pourchasse toujours la poule (manifestement bien vigoureuse).
C’est alors que Philéas décide de partir sans attendre plus longtemps.
<< Allez hop, on y va maintenant. Tant pis pour la poule. >>

Le guide nous demande de tous monter dans la cabine du 4×4 jusqu’en bas de la colline, c’est plus sûr. Ah oui….. c’est vrai qu’il faut forcément redescendre par la piste
<< Esprit des Pierres, je compte sur toi une dernière fois pour nous faciliter la manœuvre. Après ça, je ne te demanderai plus rien, tu ne me verras plus, promis ! >>

Spaghetti démarre, escorté par des gamins qui courent à côté du camion, et nous voilà instantanément ballotés sur nos sièges. Mon dos apprécie moyennement, mais pour une fois, peu importe car on est fatigué. On préfère être secoué que devoir encore marcher. On a eu notre dose pour la matinée. Sans compter qu’il faut garder un peu de jambes pour la randonnée de l’après-midi.

Philéas ne semble pas l’entendre de cette oreille…
<< Autant vous prévenir dès maintenant pour vous préparer à l’idée : on roule tant que c’est à peu près plat, mais ensuite on descend du camion et on continue la piste à pied. C’est beaucoup trop dangereux avec la pente et les freins pas très efficaces du 4×4. Je n’ai aucune envie qu’on finisse dans le décor ! >>
Ce préavis totalement inattendu a l’effet d’une bombe ! Alors qu’il me monte subitement la “boufaïs” et que j’encaisse en silence, Estelle et Anthony explosent :
<< AH NON PAPA ! Hors de question ! C’est bon là ! On s’est déjà crevé le cul à monter à pied. C’est trop dur. Et il fait trop chaud maintenant. Tu fais ce que tu veux, mais nous, on reste dans le 4×4 !!! >>
Je n’ai aucune envie non plus de m’épuiser sur la piste, mais je n’ai pas non plus envie de finir dans un ravin :
<< Bon, on se calme les enragés derrière ! On avance le plus possible et on va bien voir comment ça se passe. >>

Mais ça a été vite vu ! Dès la première pente entamée, le 4×4 prend de la vitesse, dérape sur les cailloux et vacille dangereusement de droite à gauche. Spaghetti s’acharne sur la pédale de frein mais effectivement, ça n’a pas l’air très efficace. La sortie de piste nous pend au nez. Philéas ordonne alors à Spaghetti de s’arrêter :
<< STOP ! Maintenant ça suffit ! Tout le monde descend ! On finit à pied ! C’est non négociable ! >>

De rage, Estelle et Anthony prennent leur bouteille d’eau et sortent du camion comme des furies. Les gosses qui nous suivent depuis le départ nous rejoignent et emboitent le pas à Estelle qui part devant en ruminant tout ce qu’elle peut.

Ambiance…. La tension est à son comble. Vive les vacances en Terre (plus du tout) Inconnue !!!

Le guide est visiblement mal à l’aise, alors pour ne pas avoir à gérer son “stress” aussi, on lui demande de continuer sans nous et de nous attendre avec Spaghetti au pied de la colline….. plus de 2 kms plus bas.

On s’écarte sur le côté pour laisser passer le camion puis on se met en marche. Devant nous, le 4×4 dévale la pente soit en rebondissant sur chaque caillasse soit en dérapant.

Philéas et Anthony me distancent rapidement. Mais qui veut aller loin ménage sa monture… Je marche à mon rythme. De toute façon, je suis incapable d’aller plus vite, mes jambes ont du mal à avancer. Heureusement que ça descend, je me laisse porter en freinant quand même des deux pieds par endroit ! En plus j’ai chaud, je transpire comme un goret. Les couches de sueur accumulées depuis deux jours et demi me donnent la sensation d’être emballée, toute trempée, dans un sac en plastique me collant à la peau. Aaaaaah j’en aurai éliminé ici des toxines !!!! Et que dire des zones stratégiques “toilettées” à la lingette ? Les couches de transpiration se superposent aux couches de produits chimiques. Le résultat de ces mélanges successifs n’est pas terrible, ça brûle, ça pique. Et à certains endroits très confinés (…), les sensations d’inconfort ressenties sont de plus en plus grandes… Je ne rêve que d’une chose : une bonne douche en arrivant au campement ce soir ! Et ça me motive pour continuer à avancer.

Sous un soleil de plomb à l’heure la plus chaude de la journée, je poursuis mon chemin quand soudain, après un virage, je vois au loin un attroupement à côté le 4×4 arrêté. Je rejoins tout le monde pour voir ce qui se passe encore et là, le coup de grâce : crevaison du pneu avant gauche, avec roue plantée dans un trou ! Je vais finir par croire qu’une malédiction s’est abattue ici, cette piste a été maraboutée.
<< Non mais c’est plus possible Esprit des Pierres ! Fais quelque chose !!!! Laisse-nous partir… >>

Cerné par le “Bedik boys band Iwol fan club”, Spaghetti est déjà plié en quatre, genoux au niveau des oreilles, tête devant le pare-buffle, pour évaluer la situation. Moi, je m’interroge…
<< A-t-il une roue de secours gonflée au moins ? Et avec le poids de tout le matos, comment va-t-il bien pouvoir enclencher le cric sous la bagnole vu où elle est plantée en plus ? >>
Le suspense est insoutenable…
Même si je commence en avoir ras la cape des impondérables à l’Africaine qui nous tombent dessus en cascade depuis hier, paradoxalement je ne m’inquiète même plus : de toute façon, le redoutable système D sénégalais finira par nous sortir de là…. inshallah ! Il faut juste ne pas s’impatienter et encore moins être pressé. C’est pas grave, c’est l’Afrique…

Spaghetti et le guide auront réussi l’exploit de changer la roue, en laissant le 4×4 planté dans le trou, sans rien décharger, en moins d’un quart d’heure ! Bon, on n’a plus de roues de secours désormais.
Au final, on aura redescendu la piste à pied en une quarantaine de minutes.

<< Adieu Esprit des Pierres… >>

 
 
[…]
 
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récit complet de l’intégralité de notre aventure 
à lire (et regarder) en cliquant ici

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