Baptême de douche au seau, après 3 jours de bivouac ⛺️ en brousse sans se laver…

[…]

Une fois les estomacs remplis, nous avons pris possession de nos « chambres/murs en pierres avec salle d’eau individuelle » siouplé.
 
Dans ce campement, il y a trois sortes de cases construites suivant des techniques traditionnelles différentes (rappelant assez les maisons des trois petits cochons…) : les cases/murs en bambous sont de tradition Mandingue, les cases/murs en pierres sont de tradition Bassari, et les cases sur pilotis sont de tradition Peul.
 
J’espérais qu’on puisse avoir les fameuses cases sur pilotis, mais cette petite déception a vite été balayée par l’option « salle d’eau individuelle ». La promesse d’avoir un peu d’intimité pour se laver à l’abri des regards indiscrets…
 
On prend nos sacs et on se répartit les cases : après d’intenses négociations, Estelle et Anthony consentent à être ensemble puisqu’on n’aura pas à dormir sous une tente en pleine nature au milieu des animaux sauvages.
 
Pas plus tôt ont-ils jeté leurs affaires par terre qu’ils nous rejoignent dans notre chambre et s’écroulent sur le lit.
 
Pendant ce temps, Philéas tente d’ouvrir la porte au fond de la case pour sortir faire un tour à la salle d’eau et surtout aux toilettes. On l’entend rire quand il découvre l’endroit. En revenant, il dit : C’est bien aéré. Je sens qu’on va rire ce soir ! La mère va adorer la « douche » ! Il n’y a pas de robinet…
Je déchante : C’est-à-dire ???? Comment ça il n’y a pas de robinet ?
Je vais, de ce pas, constater par moi-même, et là, les bras m’en tombent.

 

En sortant de la chambre, j’atterris à l’extérieur dans une courette de graviers emmurée et couverte d’un toit en chaume. C’est très bucolique ! Il n’y a rien d’autre qu’une corbeille pour la poubelle et une vasque ébréchée avec un miroir. Je constate qu’il n’y a effectivement pas de robinet, seulement une timbale en métal. 
A côté de cette courette, il y a une autre « pièce » carrelée où je ne vois qu’un wc dans un premier temps. En y accédant, je découvre, sur le droite, deux seaux d’eau légèrement terreuse alignés sur une étagère toute de guingois (faite de bâtons de bois) suspendue à deux bouts de ficelle noués à la charpente. Par terre, dans l’angle à gauche, je vois une bonde d’évacuation ; il n’y a ni robinet, ni tuyau, mais j’en déduis qu’il ne peut s’agir que du coin « douche ». C’est juste devant les chiottes, donc c’est pratique pour se laver les pieds pendant qu’on trône sur la cuvette !!! Je comprends alors, un peu catastrophée, qu’il n’y a pas d’eau courante. Pour se laver, comme pour « tirer » la chasse, il faut aller chercher de l’eau au puits avec les seaux posés là. Je réalise que ma délivrance sanitaire passera donc obligatoirement par une douche au seau, exercice que je n’ai absolument jamais pratiqué auparavant ! Estelle et Anthony non plus d’ailleurs, et ils se marrent en voyant la tête que je tire…
 
Comme dit Papa, je vais rire (jaune) ce soir… Ce sera une première pour moi la douche au seau !!!! Par contre, à mon avis, deux seaux, ça ne me suffira jamais vue l’étendue des dégâts. On fait comment pour en demander d’autres ?
 
Je mandate Philéas pour aller se renseigner dehors. Il réussit à trouver quelqu’un dans les parages et revient avec le précieux mode d’emploi :
– un mec m’a expliqué qu’il suffit de poser le seau vide devant la porte et quelqu’un va nous le remplir au puits.
– ah ouais, c’est cool. Mais bon, connaissant le temps de réactivité locale,  faut pas être dans l’urgence car il ne va pas y avoir un mec posté devant la case en permanence. On va déjà mettre devant la porte le seau qu’on a vidé pour les wc. Et on va quand même aller voir où est ce puits, qu’on puisse se débrouiller seul ce soir !!! 
– bon, ok. Mais maintenant il faut y aller car c’est déjà 4h et il y a un peu de marche jusqu’à la cascade. 
– pitié Papa, faut encore marcher pendant des heures ?
– non, pas des heures. Prenez maillot et serviette, on pourra se baigner là-bas.
 
Nous posons notre seau vide devant la porte en sortant et nous nous mettons aussitôt en chemin pour aller à la cascade de Dindéfélo à environ 2 kms du village.

 [… au retour de la balade …]

[…]

Moi, pour le moment, je ne rêve que d’une seule chose : pouvoir me laver ! C’est l’urgence sanitaire (pour ne pas dire humanitaire) absolue !!!
Arrivés au campement, je presse le pas et me précipite vers notre case. Devant la porte, le seau vide, laissé en partant, a été rempli. Philéas a repéré le puits pour aller au ravitaillement pendant les opérations de décapage. Tout se présente bien. La délivrance est imminente ; reste plus qu’à me lancer avec enthousiasme dans cette nouvelle épreuve inédite de notre Iwol Express : la douche au seau.

bon, désolée mais j’y vais en premier ! Là, tout de suite, je ne sais pas comment je vais procéder pour défier les lois de la gravité, mais je vais être créative et m’adapter, comme toujours. Il faut bien une première fois à tout…

Philéas (qui, évidemment, maîtrise la douche au seau, mais pas les subtilités de la toilette féminine) commence à se moquer de moi. Estelle et Anthony rigolent, ils pressentent qu’ils vont être au spectacle. Du coup, ils veulent absolument rester et attendre dans notre chambre pendant la manœuvre.
《 – Maman, s’il-te-plaît, on reste sur le lit. Promis, on te laisse tranquille !!! On ira se laver après. Papa a dit qu’il viendra nous aider aussi pour porter le seau trop lourd. 
– bon, ok, ok ! Allez, au boulot. 》

Ne pouvant attendre une minute de plus, je prends ma serviette, ma trousse de toilette, du linge propre et me rue au « patio-salle-d’eau ». Philéas, le seau plein à la main, me suit en ricanant. Estelle et Anthony s’affalent sur le lit en étouffant un fou rire.
Je suis tellement obnubilée par l’appel de la flotte que je zappe complètement mon incontournable rituel : passer l’endroit au crible pour vérifier qu’il n’y ait aucune bestiole indésirable qui se soit incrustée sous la paillote ouverte aux quatre vents. Le lieu est pourtant extrêmement propice aux invités de ce genre. Mais tant pis, je prends le risque !!!

La manœuvre va donc consister à me laver en extérieur, mais (à peu près) à l’abri des regards indiscrets des locaux, curieux d’apercevoir une toubab à poil. Il y a du passage derrière le mur, on entend trafiquer et parler. Mais bon…. ils ne peuvent voir que le haut de ma tête dépasser, donc je m’en accommoderai. Et puis à ma grande surprise, je trouve que c’est plutôt agréable dehors sous cette paillote.

Première étape : le mouillage initial (de la bête en sueur). 
Va falloir la jouer serré et bien calculer son coup. Il n’y a que deux seaux à disposition, dont l’un déjà vidé aux trois-quarts pour les wc. Je n’ai aucune idée de la quantité d’eau dont je vais avoir besoin. Je décide donc de commencer avec parcimonie en utilisant la timbale que je plonge dans le seau, puis je me verse avec empressement l’eau sur la nuque et le dos. Je pousse un cri de surprise lorsque je sens à quel point elle est gelée ! C’est le choc thermique au contact de ma peau en surchauffe. J’entends aussitôt Estelle et Anthony derrière la porte qui s’écroulent de rire. Je leur crie :
Heureusement que vous m’aviez promis de rester tranquilles sur le lit tous les deux !!!!

Je plonge à nouveau la timbale et m’asperge un bras. Je replonge la timbale délicatement pour éviter au maximum que la terre en suspension, qui s’est déposée au fond du seau, ne se mélange à l’eau. Fidèle à moi-même, je bascule en mode sarcastique :
J’ai l’impression d’être un poulet rôti qu’on arrose de son jus dans le four ! Je me mouillerais à la louche que ce serait aussi (in)efficace… Vu la taille de la timbale, et vu ma surface corporelle, à ce rythme-là, je ne suis pas rendue !!!

Alors, pour me simplifier les choses, Philéas me propose de me soulever le lourd seau pour me le verser progressivement dessus. J’accepte volontiers et m’accroupis pour lui éviter d’avoir à lever trop haut.
《 – Doucement hein !!! D’abord parce qu’elle est vraiment très fraîche ; ça fait du bien, mais sur le coup c’est un peu trop vivifiant. Ensuite parce qu’on va tâcher d’être économe, ça t’évitera d’aller au puits.
– non mais déjà, j’irai récupérer les seaux dans la case des gosses, et je mettrai les vides devant leur porte. On gagnera du temps.

Heureusement qu’il est là mon Philéas ! A deux, c’est effectivement beaucoup plus simple. Mais survient pour moi l’inévitable casse-tête de l’arrosage efficace des zones féminines moins accessibles…
《 – Maintenant, va vraiment falloir que tu m’expliques comment tu arrives à défier les lois de la gravité toi. L’eau, forcément ça tombe et coule direct. Jusqu’à preuve du contraire, ça ne remonte pas.
– Tu dois bien être la seule femme au monde à ne pas savoir te laver sans un pommeau au bout d’un flexible de douche !
– oui ben excuse-moi de pas être assez habile, mais à moins de faire le poirier, je vois mal comment procéder pour ressusciter la moule qui crie au secours !!!

Estelle et Anthony sont en apnée, l’oreille collée derrière la porte, de plus en plus morts de rire. Il ne manquerait plus qu’ils nous fassent une syncope.
Rigolez bien les deux là-bas !!!! On verra comment vous allez vous débrouiller quand ce sera votre tour !!!!!

Philéas ricane aussi en douce…
《 – T’as qu’à te tremper carrément dans le seau !
– mais t’es dégueulasse, je vais pourrir toute l’eau !!! Et puis de toute façon, le seau n’est pas assez large ni assez plein !!! Non, allez, c’est bon, aux grands maux les grands moyens. Le moment de honte sera vite passé.

Je me positionne sur la bonde d’évacuation. Je remplis une timbale d’une main et, tant bien que mal, je fais asperseur avec l’autre main. Un sketch… Le fou rire me prend à mon tour. Cette technique système D n’est pas idéale, mais fera l’affaire.

Deuxième étape : le savonnage (découennage/décapage des couches de crasse accumulées depuis 3 jours). 
Là, tempête sous un crâne : sans tremper ma savonnette dans le seau d’eau « propre » pour ne pas la souiller, comment vais-je réussir à la faire mousser entre mes mains tout en y versant de l’eau pour qu’elle mousse justement ? Me sentant de nouveau pas dégourdie du tout, j’éclate de rire. Philéas, toujours bienveillant et fort de son expérience, avec une patience à toute épreuve, se risque à me suggérer une méthode :
t’as qu’à la faire mousser dans une seule main pendant que de l’autre tu verses un peu d’eau…..
Ben pardi, ça tombe sous le sens ! Je m’exécute, mais la savonnette me glisse instantanément de la main et atterrit par terre. Je la récupère « panée » de tout ce qu’elle a ramassé sur le sol…
《  OK…. tout va bien, en plus de moi, j’ai une savonnette sale à laver maintenant !
Je rattrape la savonnette et la rince avec ma timbale. Comme je n’arrive décidément pas à la tenir d’une seule main, Philéas, dans son extrême bonté, me vient une fois de plus en aide :
《  Allez va, donne-moi ta timbale, je vais te verser l’eau…

Grâce à mon Sauveur, le savonnage peut enfin commencer. Je frotte aussi fort que possible, à la limite de m’entamer la peau. Je rêve même carrément d’une gratounette exfoliante (alors que je déteste ça). Rien que la simple odeur de ma savonnette au citron me donne l’impression d’être un peu moins crade. Sauf que je vais rapidement déchanter. Le stock d’eau s’amenuise. Il ne me reste plus que la timbale de pleine. J’en arrive aux zones sinistrées « confinées », et là, c’est la catastrophe ! Le simple contact avec la mousse citronnée me provoque une sensation de brûlure insoutenable. Je beugle de douleur. Philéas ne comprends pas ce qui m’arrive :
《 – Qu’est-ce qui se passe ?
– oh la vache… ça me brûle ! La moule hurle à la mort « achevez-moi » !!! Vite de l’eau, c’est insupportable !!!
J’attrape la timbale comme une furie, manquant la renverser par terre, et me balance la flotte sur l’incendie à l’entresol… sauf que dans ma précipitation, je rate la cible…. (décidément…. moi qui suis plutôt habile de mes mains en temps normal, il faut croire que la chaleur et la fatigue ont eu raison de ma motricité manuelle).
Je t’en supplie, va vite me chercher de l’eau !!! Je vais pas pouvoir supporter ça longtemps !!!!

Philéas prend alors les seaux vides et part en courant chercher ceux de nos petits aventuriers hilares qui, eux, ne perdent pas une miette du « drame » qui se joue. Les villageois, de passage dans la rue derrière le mur, non plus apparemment… J’entends des gosses rire aux éclats. Et moi pendant ce temps, j’attends dans la position du crabe, très inconfortable et acrobatique, mais qui a le mérite de m’éviter au maximum tout contact. Je gémis en serrant les dents.

Philéas revient chargé comme un âne. Il pose un seau et me balance dessus la moitié de l’autre d’un coup. L’eau froide atteint la cible du premier coup et éteint l’incendie…
OUF ça soulage ! Ah non mais vraiment, j’en peux plus là : vive les joies de l’aventure quoi !!! .

Sauvée des flammes, je peux terminer les opérations de savonnage et passer à la suite. 
 
 
Troisième étape : le rinçage (de la suppliciée). 

Après ces émotions et ces sensations fortes, nous sommes techniquement au point avec Philéas ! Il me porte le seau pour me verser doucement l’eau en cascade pendant que je me rince en mode pub tahiti douche. La couleur du jus marronnasse qui coule est indescriptible…  Le soulagement que je ressens est incommensurable. Je me délecte du bonheur immense de me sentir propre… 
 
♬ ♪ ♫ ♪♪ ♫ ♬ ♪ ♫ ♪♪ ♫ 
Il en faut peu pour être heureux,
vraiment très peu pour être heureux.
Il faut se satisfaire du nécessaire… Oh oui !
Un peu d’eau fraîche et de verdure,
que nous prodigue la nature,
quelques rayons de miel et de soleil…
♬ ♪ ♫ ♪♪ ♫ ♬ ♪ ♫ ♪♪ ♫

Mon baptême de douche au seau aura été un grand moment (de ridicule et d’humiliation) que je ne suis pas prête d’oublier…

C’est au tour d’Estelle et Anthony de passer l’épreuve de l’initiation à la douche au seau. Ils ont mal aux abdos tellement ils ont ri, mais au moins, ça les aura détendus de cette journée harassante… Après cette bonne douche, ils seront requinqués.

Philéas embarque le peu d’eau qu’il reste et accompagne nos joyeux apprentis baroudeurs jusqu’à leur case. Devant la porte, ils y découvrent les seaux vides qui ont été remplis.
Leur patio-salle-d’eau jouxte le nôtre, je ne vois rien mais je peux tout entendre. Et je ne vais pas être déçue !!!
Anthony semble beaucoup s’amuser, l’eau fraîche ne lui posant pas trop de problème, au contraire.
Quand vient le tour d’Estelle, c’est moins « évident ». On l’entend pousser des petits cris stridents car, évidemment, elle trouve que l’eau est froide. Comme ils ont du gel douche, le savonnage ne pose pas de « soucis techniques ». Au moment du rinçage, elle rit comme une hyène en suppliant son père de verser doucement. Mais Philéas finit par lui balancer carrément tout le contenu d’un seau d’un coup : j’entends un grand SPLASH accompagné d’un hurlement d’hystérique.
Anthony est écroulé de rire :
《  Vas-y Papa, encore un seau !!! Elle est pas assez rincée…
– ANTHONY t’es un sadique. Je vais te crever !!! 
– Calme-toi Estelle. Bon allez, pendant que tu termines, je vais prendre ma douche moi aussi. On se retrouve ensuite pour manger. .

Derrière le mur, l’attroupement de gamins profite toujours du spectacle sonore. Car il faut bien avouer qu’on met l’ambiance ce soir au Campement villageois de Dindéfélo, on ne passe pas inaperçu… comme souvent… partout où la FOGUES Family passe, la zénitude trépasse…

[…]

 
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récit complet de l’intégralité de notre aventure 
à lire (et regarder) en cliquant ici

 

6 Comments on “Baptême de douche au seau, après 3 jours de bivouac ⛺️ en brousse sans se laver…

  1. Merci !
    Pour la lumière, il n'y en avait pas non plus, tout à la frontale, ce qui entraîne parfois des positions surréalistes :-).
    Pour l'expérience de la douche au seau : comme souvent, les premières fois sont "laborieuses". Je reconnais que je n'ai vraiment pas été dégourdie sur ce coup-là, et heureusement finalement car je n'aurais pas pu écrire mon récit. Je me suis retrouvée démunie car ce n'était pas ce qui était prévu, on devait dormir dans un autre campement avec une "douche" au départ de l'action, mais on a trouvé porte close en arrivant. Donc plan B et… douche au seau !!! Je pense que je saurai mieux me débrouiller la prochaine fois.

  2. J'adore le récit.
    Pourtant je dois dire que me laver au seau ne m'a jamais semblé compliqué. Lors de mon premier séjour, j'avais besoin d'un seau plein au début puis seulement de 3/4 (ce qui m'arrangeait car je devais me débrouiller totalement seule).
    Et sans lumière et sans véritable porte juste une sorte de couloir desservant trois douches. En tout cas je crois que les douches au seau offre souvent des souvenirs impérissables !

  3. ahahah
    << Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé n'est absolument pas fortuite mais voulue… puisque tout ce qui est raconté dans ce récit est entièrement VRAI !!! Les trois autres membres de la Fogues Family peuvent en témoigner… >>

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