Virée(cuisson) en pirogue dans les bolongs avant soirée musicale dansante en immersion…

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Le lendemain matin, nous partons pour une matinée d’excursion en pirogue, organisée, comme prévu, par René. Au programme : exploration des bolongs et de la mangrove, visite d’une île, et escale à Elinkine.

 
On se tartine de crème solaire car le soleil cogne déjà dur dès le matin.

Nous cuisons une première fois sur le trajet nous emmenant sur une île dont je ne me souviens plus le nom.
La pirogue nous dépose sur une “plage” de gadoue gluante (car à marée basse) où nos tongs glissent avant d’y rester embourbées.

 

 
 
 
On accoste face à un bar/restaurant désert. Ceci dit, à part nous, on ne voit pas âme qui vive à l’horizon…
La pirogue ne nous attend pas, elle repart à vide ; on se sent soudain un peu perdu au milieu de nulle part !!! René nous explique qu’on va la rejoindre à pied de l’autre côté de l’île.
La simple idée qu’on doive marcher en plein cagnard, pendant on ne sait combien de temps ni sur combien de distance, avec une motte de boue sous chaque tong, met nos valeureux explorateurs dans un état d’enthousiasme qu’ils ont du mal à dissimuler !!!! Leurs regards assassins nous mitraillent…
Mais ils ont tellement peur de se laisser distancer et de rester seuls là, qu’ils se mettent en route derrière Philéas et René sans tarder. Moi, je ferme la marche…
Nous entamons dès lors notre deuxième séance de cuisson ; nos pieds et nos orteils à l’air ne vont pas échapper au coup de soleil qui nous pend au nez malgré les couches de crème étalées sur nos corps de toubab à peine halés.
 
Première étape de cette traversée : les crocodiles ! Car depuis le matin, René nous en parle avec beaucoup de mystère, et nous ne savons pas réellement à quoi nous attendre. Je ne suis pas franchement rassurée, mais il ne faut pas que ça se voit pour ne pas affoler encore un peu plus nos loustics.
Le soulagement m’envahit lorsque nous y arrivons : là, à l’ombre d’un arbre, un tas de petits crocodiles sont agglutinés les uns sur les autres au fond d’une cuve en résine à moitié cuite par la chaleur. Quand on pense à la puissance d’un coup de queue de crocodile, même petit, on frissonne à l’idée que la paroi de leur grosse bassine ne puisse être pulvérisée en une fraction de seconde…

 

Je n’ai pas exactement compris le pourquoi du comment de cette affaire. Les petits crocodiles sont pêchés dans les bolongs, mis là pour les nourrir et les faire grandir, avant de les relâcher dans la mangrove. Je suppose que le but du jeu est le repeuplement de la zone dans un souci de préservation de l’écosystème local.

 

Bon, je n’ai pas réussi non plus à savoir (ou à comprendre) comment, une fois les crocodiles devenus adultes, ils sont attrapés pour être sortis de leur baignoire devenue trop étroite, puis amenés jusqu’à la rive (à quelques centaines de mètres de là tout de même…) pour être remis à l’eau et ainsi leur rendre leur liberté, et tout ça, sans qu’ils bouffent quelqu’un pendant le transfert !!!
 
Après ce moment “sensation forte”, nous reprenons notre balade par 35° à l’ombre, et dans un état de vigilance extrême : Estelle, Anthony et moi craignons qu’un crocodile ne se soit échappé de l’enclos de fortune… Aucune envie de se retrouver nez-à-nez avec la bête sur le chemin !
 
Nous traversons successivement des concessions familiales pittoresques où la vie s’écoule lentement.

 

Chaque cour est peuplée de poules rachitiques et partiellement déplumées et de cochons noirs et maigrichons (oui, oui, des cochons car la Casamance est la seule région Sénégalaise à prédominance catholique) qui labourent le sable de leur groin à la recherche de quelque chose à se mettre sous la dent. Des enfants jouent, jusqu’à ce qu’ils nous aperçoivent arriver et qu’ils courent hystériquement vers nous pour nous demander des bonbons…… seul mot français qu’ils connaissent !!! On sent que du touriste est déjà passé par là…

 

Un peu plus loin, les femmes font leur lessive près du puits communautaire de l’île.  

 
Dans un autre hameau, nous observons une parfaite illustration de l’inimitable système D africain. Ces villageois n’ont pas d’eau courante, mais ils ont des idées : comment avoir de la pression pour utiliser un tuyau ? Facile : installer un réservoir d’eau en haut d’un baobab.

 
Autre exemple de système D : ce monticule blanchâtre (à l’odeur puissante). Qu’est-ce que ça peut bien être ? Une déchetterie sauvage ?
Pas du tout ! Il s’agit de coquilles d’huîtres de palétuviers stockées là volontairement.
Elles deviendront de la chaux qui sera utilisée comme matériaux de construction.

Rien ne se perd, tout se recycle“.

Quant aux huîtres elles-mêmes, elles seront vendues décortiquées et en sachets (comme les cacahuètes et les noix de cajou) au bord des routes par les vendeuses/ravitailleuses ambulantes. En cas de dégustation, choc olfactif garanti à l’ouverture du sachet…. caca mou aussi !!!
 
 
 
Notre balade continue ainsi, de concession familiale en concession familiale. Le téléphone portable de René n’arrête pas de sonner, nous rappelant le paradoxe du contexte : pas d’eau courante et un seul puits pour toute l’île, pas d’électricité, pas de quoi se soigner, à peine de quoi se nourrir, mais des antennes relais à peu près partout pour satisfaire les besoins des accrocs à la téléphonie mobile que sont devenus les sénégalais… On se demande toujours comment ils font pour s’acheter des cartes prépayées (en vente absolument partout par les commerçants ambulants. Aucun risque de manquer d’unités)…. Cette culture du “paraître” est toujours aussi déroutante.
 
Apparemment, René connait tout le monde sur l’île, c’est dingue. Il veut aller saluer la moindre personne que l’on croise. On a même carrément fait un détour pour aller s’incruster chez une Dame (sa grande amie…). Grand moment de solitude à notre arrivée dans la “maison” où des chèvres -et autres bestiaux domestiques- nous accueillent : on débarque à l’improviste, comme quatre cheveux dans le Thiéboudiène (plat national sénégalais). La Dame, aussi embarrassée que nous, secoue les enfants qu’elle a dans les environs pour nous chercher (en vain) des chaises. Elle nous propose ensuite de nous faire du Nescafé, mais nous refusons poliment par peur de l’eau du puits qui ne manquera pas de nous intoxiquer… Nos systèmes digestifs ne le supporteraient pas, et ce n’est ni le moment ni le lieu pour se choper une chiasse carabinée fulgurante  !!!
La visite a semblé durer une éternité tellement on était mal à l’aise. On ne savait pas quoi dire, et puis de toute façon, personne ne parlait français à part René.
Estelle (ne pouvant s’enfuir ni disparaître) se cachait tant bien que mal derrière ses lunettes de soleil (et accessoirement sa mère). Pendant ce temps, Anthony faisait son curieux en jetant un coup d’œil éberlué dans chaque pièce, dont une “chambre” dédiée aux seuls bestiaux. Vu l’état des lieux (totalement normal pour ici), il pensait que la maison était encore en construction… Et pourtant non, ici, lorsqu’une famille a l’opportunité d’avoir une “maison en dur”, la construction s’achève inévitablement au gros œuvre !!!

 

René a finalement conclu les affaires qu’il avait à faire avec cette mystérieuse Dame. Et nous sommes repartis en direction de l’autre rive où nous attendait la pirogue.
 
Au passage, nous avons pu observer un arbre sacré servant aux pratiques rituelles animistes locales. Au pied de l’arbre, je remarque avec un frisson qu’il n’y a pas que des squelettes de têtes de bovidés… Je ne me risque même pas à poser la moindre question à ce sujet ! Je préfère ne pas savoir.
 
 
Nous atteignons enfin le rivage. La pirogue est là : OUF !!!

 

 
Manifestement, le tenancier du bar situé sur cette “plage” est aussi fabricant de briques ! Il faut reconnaître que ce n’est pas la fréquentation touristique (quasi nulle) qui suffit à le faire vivre…

 

 
 
 
 
Nous rembarquons dans la pirogue et poursuivons notre excursion au fil de l’eau.
Nous reprenons nos observations ornithologiques : les oiseaux, ce n’est pas ce qu’il manque dans la mangrove !!! D’autant plus qu’on est en pleine saison migratoire.

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

Tout d’un coup, René nous demande de mettre des gilets de sauvetages afin d’être “en règle” lorsque nous devrons nous arrêter au checkpoint maritime  pour présenter nos passeports aux militaires en faction, mitraillette en bandoulière… Dans cette zone, il y a beaucoup de contrebande…

 
Nous avons bien ri quand René nous a distribué les gilets : leur port nous met en “sécurité réglementaire”, certes, mais pas en sécurité tout court ! Celui qu’enfile Anthony au départ de l’action n’a plus de flotteurs depuis belle lurette et ne servirait donc strictement à rien en cas de naufrage !!!

 
Une fois le checkpoint passé sans encombre, nous arrivons à notre escale suivante : le village de ELINKINE.

 
A peine un pied posé sur la rive des embarcadères que nous sommes assaillis par une meute de marchands ambulants. Estelle et Anthony se décomposent instantanément.
 
Nous allons visiter ce village de pêcheurs à pied. Je prends alors conscience qu’il va falloir supporter ces bana-banas pendant toute la visite, et ça me met en joie à mon tour…

 

 
 
Nous voilà plongés en immersion, empruntant des ruelles étroites et peu ragoutantes. Nous suivons de très près René, comme des poussins apeurés colleraient le train de leur poule de mère !
 
 
 
 
Après avoir traversé ce dédale insalubre, toujours chaussés de nos tongs (à ce stade de l’aventure, l’état de nos pieds devient indescriptible… la septicémie nous pend aux orteils !!!), nous arrivons à l’immense séchoir aux poissons.
Alors là….. eeuuuuh………. comment décrire des odeurs qu’on ne peut pas partager par écrit avec des mots….. Pour résumer et faire court, disons simplement que l’expérience olfactive a été plutôt violente ! Estelle a failli nous faire un malaise au beau milieu du rayon “requins marteaux en cours de déshydratation au soleil”….
Mais quels doux fumets fétides, mais quelles merveilleuses senteurs pestilentielles !

 
 
 
 
L’odeur ambiante finit par anesthésier la faim nous tiraillant l’estomac. Sans compter que le soleil est au zénith, il fait très chaud, nous avons très soif, et nous sentons que si nous n’abrégeons pas cette traversée du séchoir, nous allons finir à notre tour sur un des étals, aussi lyophilisés que ces milliers de poissons.
 
René, bien que toujours pendu à son téléphone (j’en viens à me demander combien de temps va tenir sa batterie…. faudrait pas avoir besoin d’appeler les secours…), remarque que nous faiblissons dangereusement.

 

Il nous emmène alors à un bar au bord de l’eau pour que l’on puisse reprendre nos esprits et se désaltérer à l’ombre d’une paillote.

Quelle n’est pas notre surprise quand nous constatons que, là aussi, il y a des crocodiles en guise d’animaux de compagnie !!!
Les croco prennent leur bain de soleil tranquillement, dans un enclos à côté de nous, avec pour seule sécurité une murette… Heureusement que ça ne saute pas ces bestioles-là !!!

 

L’heure tourne, il nous faut repartir. Comme nous sommes quand même un peu fatigués malgré cette petite pause, René téléphone (chouette, il a encore de la batterie) au piroguier pour qu’il vienne nous récupérer directement au bar.

 

 
 
Nous n’aurons pas à retourner jusqu’à l’embarcadère à pied. Le soulagement de nos petits aventuriers est palpable et se voit à l’œil nu !!! Ils ne rechignent même plus lorsque je leur demande de prendre une petite photo avec eux avant de monter dans la pirogue.

 

 

La pirogue a à peine le temps de s’approcher du rivage qu’Anthony y saute dedans. Il faut dire que pour le “réconforter” un peu, René lui a promis de lui sortir sa canne à pêche sur le chemin du retour. Anthony attend donc ça avec impatience !!! 

Et c’est reparti pour une nouvelle séance de cuisson : Estelle et Philéas commencent à virer au rose fuchsia. L’ambre solaire “écran total” semble impuissante.
 
En se rinçant les tongs dans le fleuve avant de monter dans la pirogue, nous nous rendons compte que nos pieds ont pris un bon coup de soleil. Ils sont tellement crades, couverts de gadoue et panés de poussières que nous avons carrément oublié de les tartiner de crème solaire… Grave erreur !!!
 
 
Sur le chemin du retour, notre dernière petite virée de la matinée a été un peu insolite. Le but du jeu : passer en pirogue dans un “tunnel” végétal sans s’échouer ni rester coincés dans les nœuds de racines de palétuviers ! Petit extrait d’un passage où j’ai pu sortir la tête du fond de la pirogue pour pouvoir filmer…
 
 

 

C’était très chouette, mais je dois avouer qu’à un moment je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer la galère : rester planter dans cette jungle sur eau, sans moyen d’appeler les secours car plus de batterie au téléphone de René…
 
On est revenu sur la terre ferme un peu(beaucoup) vanné, et pourtant cette journée était très loin d’être terminée…

D’abord, retour au campement pour enfiler nos maillots.
Ensuite, direction la plage pour notre avant-dernier repas les pieds dans le sable à La Paillote.
Et puis grand concours de farniente le reste de l’après-midi, histoire de reprendre un peu des forces pour notre dernière soirée à Cap Skirring… Philéas a été l’indétrônable grand vainqueur de l’épreuve “sieste sur le transat à l’ombre des filaos et des cocotiers” !!! On ne pourra jamais lutter, il est trop fort dans cette discipline…

Nous rentrons au campement en profitant du dernier coucher de soleil que nous verrons ici.
Nous nous préparons pour la soirée que René a spécialement organisée pour nous dans son restaurant “La Carpe Rouge”.
Nous nous y rendons en taxi cette fois, car nous sommes vraiment tous très fatigués pour marcher jusqu’en ville.
Nous retrouvons donc René, toujours pendu à son téléphone ! Il nous installe à notre table : l’interminable soirée peut commencer…
 
Trois musiciens débarquent peu après nous, avec leur instruments (des djembés et une énorme kora) et leur matériel de sono (il y a de l’électricité ce soir, on est sauvé….. ou pas !). Ils sont suivis par trois danseuses bien “dotées” (= très fessues !) qui commencent à se changer de tenue carrément sur le trottoir.
Dans la rue, les badauds sont attirés par le manège des préparatifs du groupe qui va se produire pour nous. “Pour vivre heureux, vivons cachés”…. là, c’est complètement raté ! On se sent comme l’attraction toubab de la foire locale !!!
Entre les gens qui s’agglutinent sur le trottoir (on se sent quand même totalement cernés…) et la chaleur suffocante qu’il fait dans le resto malgré les ventilos qui brassent à fond l’air bouillant et nous dessèchent à grande vitesse, Estelle et Anthony commencent à se sentir mal.
De son côté, Philéas se sent de plus en plus épuisé, mais il est comme un coq en pâte dans cette ambiance, alors il préfère se laisser aller en buvant des bières Gazelle XXL.
Et moi, je commence à tomber des gouttes, pas seulement à cause de la chaleur, mais surtout parce que je sens subitement que mes boyaux me lancent des préavis de mutinerie interne… Je préfère avaler illico presto une dose d’Imodium en guise d’apéritif, car les toilettes de René ne sont pas opérationnelles, je n’ai presque plus de kleenex dans mon sac, et puis de toute façon je n’ai aucune envie de vivre une aventure gastro-entérique extrême ici et maintenant !!!
Les musiciens sont en place, les danseuses sont prêtes : c’est parti pour la démonstration de musiques et danses traditionnelles.

 

 

 

Après le premier choc de la découverte, nos tympans finissent par se résigner aux sonorités “exotiques” et monotones qu’ils vont devoir subir durant des heures… On s’imaginait(espérait) des musiques plus “entraînantes”, plus “punchy”, plus festives, mais c’était toujours sur le même rythme mollasson et larmoyant, avec le son vraiment très particulier de la kora, et accompagné des braillements d’un des musiciens en guise de chants, et des cris stridents poussés par les danseuses pour faire le cœur vocal.
Les danseuses s’agitent devant nous pour attirer notre attention. Ce qui n’est pas très compliqué vu comme elles sont collées à notre table : on aurait voulu regarder autre chose qu’on n’aurait pas pu de toute façon. Et évidemment, ce que je craignais est arrivé : elles viennent nous chercher pour danser avec elles !!! L’une d’elle va direct vers Estelle qui refuse l’invitation d’une manière presque agressive. La danseuse recule, visiblement vexée ; en réalité, Estelle est submergée par la peur et fond en larmes sur sa chaise. Le malaise s’installe, et je décide de faire diversion en me levant de moi-même pour rejoindre les filles. Une fois de plus, heureusement que le ridicule ne tue pas…. Car j’ai dû donner de ma personne en dansant une bonne partie de la soirée avec la troupe !
Il y avait de plus en plus de monde qui s’arrêtait pour observer ce qui se passait dans le resto. Je ne savais plus où me mettre, mais bon, il fallait que l’attention ne se porte plus sur Estelle et Anthony qui n’en pouvaient plus et le faisaient clairement sentir…
Bon, voici quelques secondes de mon humiliation publique, avec la danse du ventilateur (que je maîtrisais beaucoup mieux lorsque je vivais au Sénégal) : vous avez le droit de rire, mais pas de vous moquer !

 

 

 

Les heures sont passées, et à bout de force (la danse a fini de m’achever…), nous avons fini par réussir à convaincre Philéas de rentrer se coucher.
Malgré toute cette activité physique, mes intestins ont miraculeusement tenu bon jusqu’au retour au campement tard dans la soirée. Mais la décence m’interdit de décrire la scène de délivrance et de soulagement en arrivant à la salle de bain… C’était moins une !!!

 

[…]

 
 
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récit complet de l’intégralité de notre aventure 
à lire (et regarder) en cliquant ici

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