Festival végétarien de Phuket : rituel annuel expiatoire gore et effrayant !!!


La plupart du temps, lors de nos périples en terre inconnue, Philéas cherche à découvrir des choses (a)typiques. Cette fois-là, il a été copieusement servi en dénichant le pompon en Thaïlande avec le « Phuket Vegetarian Festival » qui a lieu chaque année autour du mois d’octobre. Les dates de l’évènement ne sont pas fixes car elles correspondent aux neuf premiers jours du neuvième mois lunaire du calendrier chinois. Qui veut s’amuser à calculer cette date fluctuante ???
Pas moi… Joker ! C’est une usine à gaz leur truc. Le calendrier chinois est différent du nôtre, mais aussi de celui de Thaïlande (c’est moins drôle quand c’est trop simple) ! Donc il faut savoir que lorsque tu débarques en Thaïlande, c’est un peu retour vers le futur… Quand on y est allé fin 2015, là-bas c’était la fin de l’An de Grâce 2558 ! Aller en Thaïlande, c’est donc vieillir de 543 ans d’un coup sans prendre une ride ni cheveux blancs, et sans rouiller des articulations ! Tu ne fais pas(plus) ton âge, le top quoi !


Enfin bref, lorsque l’on est allé sur l’île de Phuket, les festivités célébrant les « neuf dieux empereurs » battaient leur plein. Alors autant dire que Philéas attendait (de pied ferme et avec une impatience non dissimulée) de pouvoir aller voir de ses propres yeux ces rites religieux des adeptes de piercing de l’extrême…
Moi, j’étais flippée (comme d’habitude) car j’appréhendais beaucoup de découvrir en direct-live les scènes gores de boucherie que j’avais vues en photo sur internet et qui ne collaient pas du tout avec l’idée que je me faisais d’un festival végétarien…

 
 
 

Mais KéZaKo ce Festival Végétarien ???

Parenthèse culturelle pour répondre à cette question.
(Pour des explications encore plus approfondies et détaillées, voir mon intarissable ami Google.)

 

 

 

 

 

 

 

Quoi ?
Spectaculaires rituels religieux expiatoires annuels invoquant les dieux.

Pour qui ?
Les communautés chinoises de confession taoïstes.


 

 

 

 

 

 
Où ?
Dans toute l’île de Phuket, où cette tradition est née en 1825 (mais aussi ailleurs en Asie du Sud-Est).

Sous quelles formes ?
➔ Par des célébrations et d’innombrables offrandes faites dans les lieux saints (tombeaux et temples chinois), ornés pour l’occasion d’une multitude de drapeaux jaunes symbolisant le Festival. Dans les rues également, il y a des stands d’offrandes avec des fruits extrêmement appétissants (je bavais devant les ananas !!!), des boissons (non identifiées), le tout enfumé par les bâtons d’encens et les bougies.

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

➔ Par une profusion de vendeurs de streetfood proposant de la nourriture végétarienne « à emporter » absolument partout. On n’a que l’embarras du choix, un seul repas ne pouvant suffire à goûter à toute l’incroyable diversité des saveurs présentées sur les stands éphémères.

 

 
 
➔ Mais aussi par de multiples processions mystiques durant lesquelles défilent avec dévotion des fidèles entièrement vêtus de blanc (certains portant les drapeaux jaunes) escortant des statues sacrées dorées et colorées, des dragons chinois ondulant parmi la foule, et surtout d’impressionnants « médiums spirituels », torse-nu avec une sorte de long tablier rouge et jaune, chargés d’absoudre le mal (par le mal…).
 

 

 

 

 

 
 
Ces cortèges sont rythmés par de la musique diffusée à fond par des voiture-baffles-ultra-puissantes roulant au pas, et par le vacarme assourdissant des milliers de pétards qui explosent (dangereusement) au beau milieu de tout le monde.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

➔ Enfin, par des feux d’artifice, dont un géant qui clôture les festivités.

 

Pourquoi ?
Se purifier le corps et l’esprit pour expier ses péchés.
Conjurer le mauvais sort et entrer en communication avec les esprits.  
Prouver la force de sa Foi, sa ferveur et sa dévotion (en supportant jusqu’à l’insupportable…).

Comment ?
En s’astreignant à suivre quelques préceptes stricts pendant toute la durée du rituel, comme par exemple :
– s’habiller simplement en blanc ;
– avoir une hygiène corporelle irréprochable ;
– méditer intensément pour se purifier l’esprit et (re)trouver la maîtrise de soi ;
– n’avoir aucune mauvaise pensée, ne tenir aucun propos injurieux ;
– suivre un régime végétalien drastique où sont interdits les viandes et poissons, tout produit d’origine animale (œufs, lait, beurre, miel, etc), et les condiments trop odorants (ail, oignon, épices). Les ustensiles de cuisine ne doivent pas être en contact avec la viande.
– consommation d’alcool et de tabac formellement prohibée ;
– abstinence sexuelle exigée ;
– ne doivent pas participer au Festival les personnes en deuil ni les femmes en période de menstruation. Quant aux femmes enceintes, elles ne peuvent assister à aucune des cérémonies.

Oui, bon, et alors… où est le « gore » ???

Dans les activités « bonus » ma p’tite Dame, celles qui donnent encore plus de mérites aux fidèles qui osent les pratiquer et affronter la douleur… C’est l’apanage des fameux « médiums spirituels » (la plupart sont des hommes, mais il y a aussi des femmes et des ados). Une fois que tu as vu ce dont ils sont capables, tu comprends mieux pourquoi eux sont habillés en rouge et non pas qu’en blanc… Le raccord couleur donne la touche finale…
Au catalogue des réjouissances possibles : tatouages, marches sur des braises, montées pieds nus à des échelles dont les barreaux sont des lames tranchantes comme des rasoirs, mais surtout automutilations et piercing de l’extrême ! Pour mieux s’insensibiliser à la douleur, sans anesthésie, beaucoup entrent en transe… Aucune manifestation de souffrance ne transparaît sur leur visage.

Petite présentation des candidats de l’horreur et échantillons de leurs joyeusetés :
Dans la famille des « gores », je voudrais… les amateurs d’hémoglobine.
Tout au long des processions, ils s’infligent d’ignobles supplices en se mutilant tout seul au moyen de n’importe quel objet tranchant. Ainsi, certains se tailladent la langue avec une hache ou un sabre puis recrachent le sang (de préférence sur la foule spectatrice, c’est plus marrant). D’autres s’entaillent le cuir chevelu au-dessus du front, leur visage devient rapidement ensanglanté. Puis, comme si ça ne suffisait pas, ils se lacèrent le dos en s’administrant de grands coups de haches.
Dans la famille des « effrayants », je voudrais… les candidats à l’embrochage.
Avant de défiler, ils commencent par se rendre dans les temples pour se faire transpercer le corps, et principalement les joues et la langue, avec des objets les plus improbables possibles. Tout, et surtout n’importe quoi, peut faire l’affaire : pique à brochettes, branche épineuse, couteau, fanion, sabre, cadre de vélo, canon de fusil, pic à glace, canne, flûte, manche de hache, scie, bouquet de fleurs, tige de fer barbelé, aiguille à tricoter, etc etc. L’imagination n’a pas de limites en l’occurrence. L’opération est rapide, sans anesthésie et sans effusion de sang paradoxalement. Après l’effroyable opération boucherie, les embrochés paradent dans les processions…
J’ai volontairement mis quelques unes de nos photos et vidéos en fin de récit pour ne pas heurter les plus sensibles. Il faut bien reconnaître que ça peut être insoutenable à regarder Pour les sadiques, il y a de quoi reluquer encore plus chez mon ami google…

Et finalement ? En vrai c’était comment ???

Impressionnant ! Extraordinaire aussi, dans le sens d’inhabituel, d’insolite, de pas courant du tout (c’est le moins que l’on puisse dire…).

Après avoir assisté et observé de mes propres yeux certaines scènes de l’évènement, je ne comprends toujours pas vraiment pourquoi ça s’appelle « Vegetarian Festival ». Franchement, il y a tromperie : ça devrait plutôt s’appeler « Butchery Festival » ! C’est sûr, c’est moins vendeur comme nom de manifestation. Sauf qu’au final, on ne garde en souvenir (impérissable) que les scènes sanguinolentes inouïes, et pas du tout les repas exclusivement végétariens proposés partout.

Philéas n’a pas été déçu, même s’il est resté un peu sur sa faim (un comble dans cette débauche de bouffe…). Il aurait aimé notamment pouvoir échanger avec les participants pour mieux comprendre leurs ressentis et les motivations qui se cachent derrières les rituels. Il aurait aimé aussi qu’on puisse assister au grand final de clôture du festival, mais le déluge s’est invité à la fête et nous a cantonnés à rester sagement à notre pied-à-terre loin de Phuket-ville. Depuis notre hôtel, la nuit venue, nous avons entendu le boucan des pétards sur la plage où un grand feu de joie a été allumé avec des papiers à prières (aussi brûlés un peu n’importe où dans les rues).

 

En ce qui me concerne, pour être tout-à-fait honnête, je suis assez mitigée sur cette découverte particulièrement déroutante.
D’un côté j’ai trouvé tout le cirque autour des auto-mutilations et des piercing de l’extrême (dont on n’a pas vu la phase préliminaire « perçage/mise en brochette ») encore plus terrifiant et épouvantable en vrai que sur internet ! A tel point que je n’étais même pas capable de regarder ceux qui se tranchaient la langue devant moi pendant que je les filmais et les photographiais.

MAIS (car il y a un mais) d’un autre côté, je ne regrette absolument pas d’avoir dû me lever à 6h15 le matin, partir sans petit déjeuner avant (il faut savoir que pour moi, en temps normal, c’est absolument inconcevable… le p’tit déj’ c’est sacré ? !!! Ce qui agace un tantinet Philéas d’ailleurs…), attraper un taxi dans la rue pour aller jusqu’à Phuket-ville, de l’autre côté de l’île, à trois quarts d’heure de route de notre hôtel, pour pouvoir aller suivre le cortège (qu’on a bien cru avoir raté, c’était le dernier jour du Festival et on n’arrivait pas à le trouver et le rattraper !!!) et être en plein cœur de la procession… Car l’ambiance est festive, ça rappelle un peu les corsos de carnaval… avant que les fakirs suppliciés n’entrent en scène !

 

 
 
C’est un spectacle incroyable marquant fortement les esprits et une expérience déstabilisante à vivre just one time in life !!!!
Alors forcément, ce qui devait arriver arriva (on ne se refait pas…) : j’ai eu ma grosse bouffée de panique quand on s’est retrouvé stoppé dans une rue plus étroite et enclavée. La foule s’est agglutinée en masse sur les trottoirs et sur la chaussée. Des kilos de pétards ont été allumés en même temps, provoquant des explosions en chaîne incessantes. Le vacarme était infernal, à déchirer les tympans. A un moment, le bruit est devenu tellement douloureux physiquement pour moi que je ne pouvais plus rien faire d’autre que me protéger la tête entre les mains en me bouchant les oreilles avec les doigts, et tourner le dos au théâtre des réjouissances pour ne pas me prendre un bout de pétard incandescent dans la gueule. En plus, une épaisse fumée s’est rapidement propagée partout rendant l’air irrespirable. Je toussais comme une pulmonaire. L’asphyxie nous pendait au nez. Les gens essayaient de se mettre à l’abri derrière des piliers. Tout ça rajouté au sang qui coulait, on se serait cru en pleine guerre de tranchée. J’avoue avoir eu peur à ce moment-là, je me suis figée sur place. Philéas s’en est rendu compte quand il s’est retourné dans la foule et ne m’a plus vue derrière lui. Il m’a alors crié :  
<< Allez ma « reporter sans frontières »… tu auras des choses à écrire pour raconter tout ça ! >>.
 

Oui.. c’est sûr… vu sous cet angle…

 
Après quelques heures matinales à en avoir pris plein les yeux (et les oreilles), nous avons dû tourner les talons pour retrouver le taxi nous attendant pour nous ramener à l’hôtel. En rebroussant chemin, nous avons constaté le foutoir laissé parterre par la procession : la chaussée était tapissée de pétards ! Mais ce que nous n’avions pas remarqué c’est qu’à peine quelques mètres derrière la queue du cortège, une armada de balayeurs s’affairaient déjà à tout nettoyer au fur et à mesure de l’avancée du convoi… C’était à peine croyable, il faut le voir pour le croire : les rues sont redevenues propres en un rien de temps, comme si rien ne venait de s’y passer, sans aucune trace du saccage des festivaliers-artificiers.

 
 En résumé, à voir ou pas ???
 
Si tu es avide de sensations fortes, de poussées d’adrénaline, de découverte de traditions lointaines uniques et sanguinolentes, alors ces rituels extravagants, pour le moins singuliers et exceptionnels, sont vivement conseillés !
Mais ne pas oublier d’être prudent car les risques collatéraux dus aux feux d’artifices artisanaux et aux pétards sont réels. Mieux vaut donc prévenir que guérir ! Il est donc judicieux, voire fortement recommandé, de prévoir : 
– des bouchons d’oreille pour ne pas perdre l’audition, 
– des lunettes pour éviter de perdre un œil par un éclat de pétard et/ou de fusées, 
– un masque de protection ou un foulard à se mettre sur le nez et la bouche pour ne pas être asphyxié,
– pantalon long, chaussures fermées, casquette pour éviter d’être brûlé par les pétards jetés au milieu de la foule.
Ainsi parés, ouvre grand les yeux et les oreilles !!!
 
 
En revanche, si tu es une âme sensible et délicate qui s’évanouit à la seule vue du sang, qui a peur de la foule, du bruit assourdissant et de l’air enfumé irrespirable, mieux vaut passer ton chemin… 

 

Quelques images pour un petit aperçu…
 

 

 

 

 

 

 

 

Bon appétit !!! Et faites de jolis rêves cette nuit…

 

4 Comments on “Festival végétarien de Phuket : rituel annuel expiatoire gore et effrayant !!!

  1. Ah oui effectivement, c’est plutôt ore comme festival ! Je crois que j’aurais paniqué dès les pétards (d’un autre niveau que les pétards du nouvel an à Paris alors que j’avais déjà la frousse). Bref, une expérience inoubliable, mais tellement déroutante à nos yeux d’occidentaux.

  2. Ah oui en effet, ça à l’air d’être un joyeux (?) bordel tout ça !! Je pense que comme toi j’aurais paniqué, et j’aurais pas du tout aimé la partie sanguinolente … Je te rejoins tout à fait sur le nom du festival, butchery semble en effet plus adapté !
    Merci pour cette découverte pour le moins … originale ^^

    • Joyeux bordel, c’est exactement ça ! C’est incroyable ce que la spiritualité peut pousser à faire, je n’ai jamais réussi à comprendre mais bon, comme on dit, il faut avoir l’esprit ouvert…

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